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comme un fardeau, le fardeau que Dieu a placé sur mes épaules et que je n’ai pas le droit de rejeter ; mais trouvez-moi quelqu’un qui puisse et veuille s’en charger, et je serai reconnaissant à lui et à vous. Prêcher deux ou trois fois chaque jour ne m’est en aucune façon un fardeau ; mais ce qui en est un bien lourd, c’est le souci que j’ai et des prédicateurs et des sociétés. »


Les vingt dernières années de la vie de Wesley offrent un tableau de bonheur et de paix animé par une activité égale à celle des jours d’angoisses et de luttes. Ses voyages comme missionnaire, ses visites comme pasteur, ses études et ses publications comme écrivain, tout se soutient au même degré, comme si la cause n’était pas gagnée, comme s’il n’était pas de ceux qui ont vaincu le monde. Il parcourt à diverses reprises les trois royaumes, et partout il ne voit que des progrès accomplis. Insensible au poids des années, ce corps robuste, et cette âme sereine se prêtent à tous les efforts, à tous les travaux que lui impose une vocation dont on trouverait difficilement l’égale. Il rassemble encore dans un champ trente mille auditeurs et publie ses œuvres en trente-trois volumes. La bienveillance et l’estime l’accueillent là où la ferveur et le zèle ne volent pas au-devant de lui. Plus d’opposition bruyante ; il est populaire, et la faveur du peuple impose silence à ses ennemis. Dans les dix ans qui suivirent 1770, les classes s’étaient accrues d’environ quinze mille fidèles ; cinquante-deux prédicateurs itinérans s’étaient joints aux cent soixante que la secte comptait déjà. Wesley écrivait à un ami : « Luther a dit qu’un réveil ne dure guère que trente ans. La remarque n’est pas toujours vraie. Le réveil actuel a déjà duré cinquante ans, et, Dieu soit béni ! il est aussi vivace aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans, ou plutôt il l’est davantage. Il a plus d’étendue et de profondeur que jamais. Un plus grand nombre peut rendre témoignage que le sang de Jésus-Christ purifie de tout péché. Espérons que ce réveil ira continuant jusqu’au jour où tout Israël sera sauvé. »

L’expansion du méthodisme dans les deux mondes obligea Wesley de prendre un parti sur un point qui l’avait longtemps tenu en suspens. L’organisation des sociétés, surtout en Amérique, avait besoin d’un dernier complément. Le docteur Coke, qui avait été choisi pour les diriger et qui a laissé aux États-Unis le renom d’un fondateur, demandait les moyens de remplacer l’épiscopat, dont la guerre de l’indépendance avait dispersé les membres. « Je suis convaincu, disait Wesley, que je suis un episcopos au sens de l’Écriture autant que personne en Angleterre, car je considère la succession non interrompue comme une fable. » Il ne voyait pas que ni le Christ