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campagne, lui semblait une nouveauté qui alarmait sa conscience ou sa prudence ; mais le fait accompli levait tous ses doutes, et dans une prairie voisine de Bristol, il prêcha devant 3,000 personnes. À l’émotion qu’elles éprouvèrent, il reconnut le triomphe de la grâce, et, tout en continuant d’exhorter en public, il s’occupa aussitôt de former toute cette population de mineurs en sociétés restreintes, chacune ayant un maître ou une maîtresse, suivant les sexes, et devant se réunir pour la prière, la lecture de la Bible et la confession mutuelle. La rapidité avec laquelle s’opérèrent le changement moral et l’organisation régulière en classes de ces grossières populations fut une première épreuve qui persuada à Wesley et à Whitefield que leur œuvre était bonne. Ils ne doutèrent pas d’avoir créé quelque chose de solide. Au culte de congrégations nouvelles, il fallait bien ouvrir un asile, et la première chapelle méthodiste fut bâtie. Ainsi ces fils encore respectueux de l’église étaient conduits à élever autel contre autel. Ce fut l’ouvrage de quelques mois. La première prédication de Whitefield en plein air était du 17 février 1739, celle de Wesley du 20 avril, et la première pierre de la chapelle fut posée le 12 mai. Ces trois dates sont restées comme de solennels souvenirs dans les fastes du méthodisme.

À la fin de l’année, Bristol et la contrée environnante, une partie du pays de Galles, Oxford et, Londres enfin avaient entendu les prédicateurs du peuple. Whitefield et les deux Wesley avaient parlé dans la plaine de Moorfields à des masses de 20 et 30,000 auditeurs sortis des bas-fonds de la population de la capitale. Une éloquence austère et animée, qui ne ménageait aucune des faiblesses de ceux qu’elle voulait gagner, qui ne savait que maudire le péché et effrayer la conscience, troublait d’une émotion profonde des multitudes insensibles jusque-là à tout ce qui n’était pas la vie de la chair. Des pleurs, des sanglots, des cris de douleur couvraient par momens la voix de l’orateur. Des pécheurs saisis d’épouvante ou ravis d’enthousiasme tombaient avec des frémissemens presque convulsifs. Ces phénomènes physiques ont souvent accompagné les émotions fortes et soudaines, surtout celles que l’âme éprouve lorsqu’elle se croit touchée de la main divine. Wesley a décrit avec soin ces effets singuliers qui l’étonnèrent d’abord et dont il s’efforça de vérifier la réalité. Une chose assez surprenante, c’est qu’ils se produisaient particulièrement parmi ses auditeurs. Sa parole était pourtant douce et pénétrante plutôt qu’impétueuse et véhémente. Il constata que ces manifestations n’avaient rien de simulé ni de forcé. Il aurait pu du moins les croire naturelles, mais son penchant le portait à croire aux influences surnaturelles. Sans chercher en ce monde des miracles proprement dits, sans vouloir que les lois de