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raisonner et de parler, elle discute les lois qui lui sont proposées, les accepte ou les rejette. Elle jouit même du plus précieux de tous les privilèges parlementaires : elle a part à l’initiative des lois. Toutes les propositions signées de quinze de ses membres sont mises en délibération, elles portent cet en-tête : « plaise au Reichstag de décider… » Selon la teneur de l’article 28 de la constitution, le Reichstag décide à la majorité absolue des voix. Cependant ce corps si bien apanage, qui a le droit de décider de tout, ne décide de rien.

Le Reichstag ne décide de rien pour deux raisons. La première est qu’il n’a aucun moyen d’imposer ou de faire respecter ses décisions. C’est par le vote annuel de l’impôt que les assemblées tiennent les gouvernemens et les obligent de compter avec elles. On sait qu’à cet égard le parlement prussien est dans une fâcheuse position, que le fameux article 109 protège contre ses repentirs tous les impôts une fois votés. Le parlement fédéral n’est pas dans une situation meilleure. La confédération vit de ses revenus et du produit d’un certain nombre d’impôts indirects ; le supplément nécessaire est fourni par des contributions dont le roi de Prusse fixe la quotité, et qu’il répartit entre les états. Reste au parlement le droit de refuser les nouveaux impôts qu’on pourrait lui demander. Cela s’est vu cette année par l’imprudence du gouvernement, qui désirait se servir de la confédération pour combler le déficit prussien. C’est un plaisir que n’aura pas souvent le Reichstag, le chancelier fédéral n’étant pas de ces hommes qui commettent deux fois une faute.

Il est une autre raison encore pour que les décisions du Reichstag ne décident de rien. Il semble qu’il n’y ait qu’une chambre dans la confédération du nord, et en effet il n’y en a qu’une qui porte et qui mérite ce nom. Qu’est-ce qu’une chambre ? Un endroit où l’on parle haut devant une galerie, et où chacun répond de ce qu’il dit ; il faut même que les gens du dehors entendent, qu’ils sachent qui a parlé, et ce qu’on a dit. Or il existe à Berlin une seconde chambre fédérale, qui n’a pas le nom de chambre, mais qui en est bien une, puisqu’on y délibère et qu’on y vote. Seulement tout s’y passe dans le secret de l’intimité, les portes fermées, les verrous tirés. On ne sait qui parle dans ces mystérieux conciliabules ; à peine croirait-on qu’il s’y dise quelque chose, si, en collant son oreille à la serrure, on n’entendait de temps à autre un vague et confus chuchotement. Comment se nomme cette assemblée, secrète comme le conseil des dix ? L’article 5 de la constitution porte que le pouvoir législatif est exercé collectivement par le Reichstag et le Bundesrath ; il ajoute que toute loi, pour être une loi, doit être votée par la majorité des deux assemblées. Et comment est composé ce Bundesrath ou conseil