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Sur un banc de gazon frais
Ne vous endormez jamais !


Quand nous disions, que c’est toujours la même chansonnette aphoristique ! ..

Il est plus dangereux de glisser
Sur le gazon que sur la glace,


fredonnait, il y a quelque cinquante ans, la jolie Emma, fiancée au nouvel Éginard !

Qui je plains, et du fond du cœur, c’est ce pauvre M, Capoul, contraint d’user sa vie et son talent en de pareilles églogues. On l’habille en Vert-Vert, en marquis, en berger Corydon, et pour comble d’infortune M. Capoul chante à ravir toutes ces mignardises, tous ces agréables ponts-neufs. Vous finiriez par croire qu’il était fait pour cette musique, comme cette musique est faite pour lui. Impossible de mieux dire la romance d’entrée au premier acte et le délicieux récitatif qui la prépare, inspiration d’un maniérisme tout actuel et dont l’afféterie mélancolique rappelle rentrée de Marguerite dans Faust et le récitatif de Mignon. On n’a pas plus de goût, plus d’élégance que M. Capoul ; je ne parle pas de sa voix, un peu surmenée depuis quelque temps, et qui trahit certaines fatigues contre lesquelles le jeune chanteur fera bien de se prémunir. Ce brillant emploi de colonel d’opéra-comique ne s’exerce pas toujours impunément ; s’il a ses bons côtés, il a aussi ses inconvéniens et ses périls. Elleviou lui-même, le vainqueur par excellence dont les victimes ne se comptaient pas, et qui ne consentait à paraître que dans des rôles ce à costumes ! » — le grand Elleviou, si l’on en croit la légende, eut mainte fois à s’imposer la dure loi de la modération ! Il n’y avait sorte d’observations que ses amis ne lui fissent pour l’exhorter à surveiller le précieux trésor de sa voix. On est colonel, mais on est ténor !

Musice hercle agitis ætatem !


Ce qui semblerait signifier que déjà dit temps de Plaute les ténors ne se ménageaient guère.

Cette première romance de Rêve d’amour, très agréablement chantée par M. Capoul, n’a que le tort de venir après cent autres non moins exquises du même auteur. Ce n’est qu’une jolie romance, et M. Auber en a tant semé, sur son chemin, de ces inspirations éphémères ! Pour trouver la vraie pièce de choix, le bijou rare qui presque toujours se rencontre dans une partition du maître, fût-elle d’ordre secondaire, il faut attendre jusqu’au trio du troisième acte : à la bonne heure ! Enfin voici renaître la verve du Maçon et du Philtre, et je laisse à penser si le public saisit cette occasion d’applaudir et de crier bis ! Bien que la situation