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de pareil. — Ils ont singulièrement bien réussi, — ils possèdent une sage et solide alliance. — Je veux vous chanter la véritable origine, comment est née la confédération. — Un noble pays, vrai noyau de la confédération, — est renfermé entre des montagnes, — bien plus sûrement qu’entre des murailles : — c’est là que pour la première fois s’est formée l’alliance ; — ils ont sagement mené l’affaire — en un pays qui s’appelle Uri. — Le bailli dit à Guillaume Tell,… » Et la chanson va son train, racontant en style de complainte l’histoire de la pomme. Le coup fait, Tell dit au bailli : — « Si j’avais tué mon enfant, — je te dis la vérité pure, — j’avais en moi l’intention — de te tuer, toi aussi. » — Là-dessus se fait un grand choc — « d’où sortit le premier confédéré. » Et les autres ? Que deviennent l’homme du Melchi, le paysan de la baignoire, et Stoupacher ? Ils ont disparu ; Guillaume Tell, et avec lui son canton d’Uri, qui tenait à la primauté, règne solitairement dans la ballade alpestre.

Cependant plus tard les autres confédérés reparaissent dans diverses chroniques, notamment dans celle de Petermann Etterlin, 1507, et dans un drame en vers écrit en 1525 et publié sous ce titre : « Une jolie pièce représentée à Uri, dans la confédération, sur Guillaume Tell, leur concitoyen et le premier confédéré. » L’archer reste pourtant ici le personnage principal ; c’est lui qui a tout préparé, tout conduit. Il n’est pas seulement l’homme d’action, il est aussi l’homme de conseil ; enfin, loin de ressembler au Tall du Livre blanc, il a du sens, de la finesse, le verbe haut et fier. L’unité d’action nécessaire au théâtre associe les légendes, la scène s’éclaircit, la date (1296) est précisée ; les personnages, notamment celui du Melchi ou du Melchthal, vaguement désignés jusqu’ici par le lieu de leur naissance, reçoivent un nom qui leur restera. Mais il y a encore dans tout ceci beaucoup d’embarras et de confusion ; il est temps que d’habiles mains y viennent mettre un peu d’ordre. Ce sera l’œuvre du pasteur Jean Stumpff, de Bruchsal (1548), et surtout du Glaronnais Égidius Tschudi, « l’Hérodote et le Plutarque suisse. » Ce fut lui qui eut l’honneur d’achever la légende et de la fixer définitivement. Sa chronique, à laquelle il travailla jusqu’à sa mort (1572), ne devait paraître qu’en 1734 ; mais longtemps avant cette date elle était connue de tous les narrateurs, qui n’eurent qu’à la réduire ou à la copier. Tschudi était un homme studieux et intelligent qui mettait au-dessus de tout l’intérêt de la patrie. Il écrivait à un de ses amis : « Les états forestiers m’ont prié de raconter avant tout l’origine de la confédération telle qu’ils l’ont fondée. Ils ont particulièrement insisté pour que je m’étendisse sur leurs premières luttes avec l’Autriche, ce que je n’ai pu leur refuser. Aussi ai-je dû bien modifier mon précédent travail et y insérer beaucoup