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Il ne se passait pas de semaine, pas de jour peut-être, qu’il ne reçût sa proie ; c’était une telle affaire d’habitude qu’on n’y faisait guère attention, si bien que l’exécuteur pouvait dire à un prêtre condamné qu’il menait pendre, et qui s’accrochait en désespéré à l’échelle du gibet : « Allons donc, monsieur l’abbé, vous faites l’enfant ! » Mercier, qui raconte le fait dans son Tableau de Paris, s’indigne contre le costume de l’exécuteur qui, « poudré, galonné, frisé, en bas de soie, » fait son affreuse besogne aux applaudissemens de la multitude. Il n’aurait rien à reprocher aujourd’hui à celui qui manie le glaive de la justice, car sa tenue est aussi sévère que convenable ; mais que dirait-il de ses aides, vêtus de costumes voyans et criards si peu en harmonie avec leurs sombres fonctions ? Pourquoi, par respect pour la justice dont ils exécutent les arrêts, ne pas donner à ces hommes qui sont pauvres et mal rétribués un costume uniforme, noir, rappelant celui que portent les appariteurs des pompes funèbres ? De plus les aides devraient être jeunes, alertes, vigoureux, afin de ne pas retarder les apprêts, déjà si longs, qui précèdent le supplice.

Certes, depuis 1830 et successivement, on a fait en cette déplorable matière des progrès qu’il serait injuste de méconnaître ; mais il en est d’autres que l’humanité exige impérieusement, qu’il est facile d’introduire dans les usages reçus, auxquels il est temps de penser. On a déjà supprimé le trajet de Bicêtre à Paris, la longue attente de sept heures du matin à quatre heures de l’après-midi, la lecture de l’acte judiciaire notifiant le rejet du pourvoi en cassation, le transport du condamné sur une charrette de la Conciergerie à la place de Grève. Il reste encore bien des choses à supprimer. En matière de pénalité, tout ce qui n’est pas rigoureusement indispensable est cruel et doit, à ce seul titre, être impitoyablement exclu de la loi. On réveille le condamné une demi-heure avant le moment fatal ; un quart d’heure suffirait amplement à son lever, à la toilette et à l’absolution, qu’une captivité d’un mois, des entretiens fréquens avec l’aumônier, l’ont préparé à recevoir. A quoi bon aussi, lorsque ce misérable est réveillé, lui enlever sa camisole de force pour la lui remettre immédiatement après ? Pour sauver une chemise appartenant à l’administration des prisons, motif puéril que le moindre sentiment d’humanité devrait faire rejeter sans discussion. A quoi bon le conduire dans l’avant-greffe pour qu’il y subisse la toilette ? Cette vieille cérémonie, si pénible et si lente, pouvait avoir sa raison d’être lorsqu’on portait les cheveux longs ou la queue, et que l’action du glaive manié par l’exécuteur même pouvait en être paralysée ; mais le poids, la violence irrésistible du couperet actuel la rendent superflue. Si l’on tient absolument à la conserver, comme une tradition reçue des ancêtres,