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rond-point de la Roquette pour assurer le bon ordre pendant les préparatifs de l’exécution, plus un piquet de vingt hommes, également à cheval, pour prêter main-forte à l’exécution, « après laquelle quatre hommes escorteront le cadavre jusqu’au lieu de sa sépulture ; » 4° au charpentier des travaux du département de la Seine, lui enjoignant de dresser l’échafaud à l’heure et au lieu indiqués ; 5° au directeur de la Roquette, pour qu’il ait à livrer le condamné à l’exécuteur ; 6° au même directeur pour qu’il ait à tenir prêt un local où le greffier de la cour impériale devra dresser le procès-verbal de l’exécution ; enfin le dernier, qui est ainsi conçu : « l’exécuteur en chef des arrêts criminels de la cour impériale de Paris extraira demain, tel jour de ce mois, de la maison du dépôt des condamnés, le nommé…, et le conduira à… heures précises du matin, au rond-point de la rue de la Roquette, où il lui fera subir la peine de mort prononcée contre lui par arrêt de la cour d’assises, le…, pour assassinat. » Une heure après que ces sinistres formules ont été écrites et signées, elles sont parvenues à destination ; c’est le soir, au dernier moment, que les dépêches sont expédiées, afin que Paris ignore le plus longtemps possible l’exécution qui se prépare.


II

Les cinq formes de la peine capitale, avant la révolution française, étaient l’écartellement, le feu, la roue, la décollation et le gibet. La roue, sur laquelle le patient était attaché après avoir reçu les « six coups vifs » qui lui brisaient les bras, les avant-bras, les jambes, les cuisses, était réservée, ainsi que le gibet, au commun des malfaiteurs ; vers le commencement du siècle dernier, l’exécuteur de Paris déployait une telle élégance lorsqu’il rouait un condamné que le peuple l’avait surnommé maître Jean Roseau[1]. L’écartellement, le plus horrible supplice qu’on ait inventé en Europe, avec adjonction de tenaillemens ardens et d’huile bouillante, était la punition des régicides ; le feu brûlait les sacrilèges ; la décollation, spécialement gardée pour les gentilshommes, ne comportait point l’idée d’infamie. Lorsque le comte de Horn fut condamné à la roue, sa famille insista très vivement, mais en vain, auprès du régent pour que le coupable fût décapité, afin que les cadets et les filles de sa maison pussent entrer dans l’ordre de Malte et dans

  1. Le supplice de la roue n’entraînait parfois qu’une mort très lente. Barbier raconte dans son Journal (t. III, p. 402) que le 18 décembre 1742 un jeune homme resta vingt-deux heures sur la roue. « On a relayé, dit-il, les confesseurs pendant la nuit, d’autant plus que la place sur un échafaud est un peu froide. » On obtint de messieurs de la Tournelle l’autorisation de l’étrangler, « ce qui a été fait ce matin, mercredi 19, à dix heures, ajoute Barbier, sans quoi il y serait peut-être encore. »