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vatoire actuel soit conservé sans amoindrissement, mais il est nécessaire qu’un autre observatoire de premier ordre soit fondé dans un lieu convenablement choisi, à proximité de la ville de Paris. » Ce fut une grosse affaire, s’il fallait ou non écrire les mots « de premier ordre n’entre deux virgules. En supprimant les virgules, on a reconnu ce qui est l’opinion générale à l’étranger, à savoir que les observations de Paris jouissent d’une remarquable précision, et que les inconvéniens de l’emplacement actuel ont été exagérés.

Le projet de translation de l’Observatoire a donc été abandonné, au moins pour quelque temps; mais les débats auxquels il a donné lieu ont mis à nu une plaie de l’établissement : l’incompatibilité absolue d’humeur qui existait entre le directeur et ses subordonnés. Travailleur hors ligne lui-même, M. Le Verrier a dû plus d’une fois, dans ses exigences, dépasser la mesure des forces ou des aptitudes de ceux auxquels il s’adressait. Gâté par une fortune rapide, aveuglé par le sentiment de sa grande position scientifique, il paraît avoir froissé bien des susceptibilités légitimes; il a fait le vide autour de lui, et le sanctuaire de l’astronomie est devenu le théâtre d’une guerre intestine qui s’est terminée par la révocation du directeur.

Le décret de 1854, qui enlevait l’observatoire de Paris au bureau des longitudes pour le réorganiser sur une base nouvelle, renfermait une disposition des plus sages, qui malheureusement resta lettre morte jusqu’en 1867. Tous les deux ans, le ministre de l’instruction publique devait se faire rendre compte de la situation et des besoins de l’Observatoire par une commission, composée du directeur, de deux membres du conseil de l’amirauté, d’un membre de l’Institut, de deux membres du bureau des longitudes et d’un inspecteur-général de l’enseignement supérieur. Cela se fait ailleurs : l’astronome royal d’Angleterre présente chaque année un rapport détaillé sur les travaux de l’observatoire de Greenwich à une commission appelée board of visitors, et cet exemple est imité par d’autres grands établissemens, — je ne citerai que Cambridge (en Amérique) et Oxford. Pour Paris, c’eût été une « soupape de sûreté. » La commission d’inspection instituée par le décret de 1854 ne fut cependant formée pour la première fois que vers la fin de 1867, et cela pour répondre aux plaintes incessantes des fonctionnaires. Abus de pouvoir, diminutions ou suppressions arbitraires de traitemens, changemens perpétuels de personnel, mille autres choses qui s’accumulaient comme les grains de sable pour former une montagne, voilà les griefs qui enfin firent mettre en mouvement ce « rouage modérateur » que le décret d’organisation avait ajouté au mécanisme du grand établissement astronomique. Le rapport de la commission de 1867, signé par l’amiral Fourichon, fut suivi de l’institution d’un «conseil de l’Observatoire, » qui était composé de quatre astronomes titulaires, de quatre membres de l’Institut, de l’amirauté ou du bureau des longitudes, et du direc-