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LA GUERRE DU PARAGUAY.

Parana, qu’il fallait remonter depuis Martin-Garcia jusqu’à Corrientès, pour passer de la Plata dans le Paraguay. Il en résultait que parmi les navires qui, les années précédentes, avaient pu faire cette navigation, bon nombre se trouvaient arrêtés par le manque d’eau, et que le Paraguay lui-même, ne rencontrant plus à son embouchure le niveau ordinaire, vidait ses propres eaux dans le Parana avec une abondance et une vitesse inaccoutumées. L’effet de ce drainage se faisait sentir jusqu’à plus de 150 lieues sur le haut du fleuve.

Aussi, malgré toute l’ardeur qui l’animait et qu’il avait su communiquer aux siens, fallut-il plus de quatre mois au comte d’Eu pour se mettre en état de commencer les opérations actives. Dans les premiers jours d’août cependant, après une série de combats de détail, de travaux sans fin et sur le terrain et dans le cabinet, il était parvenu à s’étendre jusqu’à l’extrémité du chemin de fer, à le réparer, à reconstruire un grand pont, à faire circuler la locomotive, à établir des dépôts et des places d’armes, à couvrir la ligne par des redoutes pour la mettre à l’abri des surprises de l’ennemi. Enfin le 2 août, ayant pu mobiliser une armée de 17,000 ou 18,000 hommes partagés eu deux corps, dont il commande l’un, et dont l’autre est sous les ordres du général argentin Emilio Mitre, le comte d’Eu se met en mouvement pour réaliser le plan que les reconnaissances lui avaient fait concevoir. Ayant l’avantage du nombre, il avait entrepris de tourner à la fois par la droite et par la gauche les positions de l’ennemi, que le lac Icaparay, situé, comme nous l’avons dit, entre les deux adversaires, empêchait d’aborder de front. Le corps de droite, qu’il commandait, entra le premier en mouvement. Le chemin étant très difficile, on dépensa cinq jours entiers avant de parvenir, à travers les montagnes et les forêts, en un lieu nommé Valenzuela, qui n’est cependant pas éloigné de plus de 30 kilomètres de Paraguary, le point de départ. Sur tout le parcours, il avait fallu repousser les tirailleurs de l’ennemi, et sur un certain nombre de kilomètres ouvrir des passages la hache à la main. Toutefois c’était déjà un grand point d’être arrivé à Valenzuela, car alors on était sorti des défilés du Cerro-Leon ; on n’avait plus qu’à descendre la vallée du Peribebuy ; la position de l’ennemi à Ascurra était tournée et prise à revers. Néanmoins il fallut encore combattre et travailler pendant quatre autres jours pour franchir les quelque quarante kilomètres qui séparent Valenzuela de Peribebuy, la nouvelle capitale de Lopez, qu’il avait entourée de retranchemens garnis d’une nombreuse artillerie. Le 12 août, on donna l’assaut à Peribebuy sur trois colonnes ; l’une était commandée par le général Osorio, qui fut blessé, la seconde par le général Menna Barreto, qui fut tué, la troisième par le comte d’Eu, qui ne fut pas