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LA GUERRE DU PARAGUAY.

la disposition des lieux permet de le faire. Avec leurs bâtimens cuirassés, avec les batteries qu’ils établissent à Andai sur un îlot situé à portée du canon de la place, ils parviennent à rendre très périlleuses les communications d’une rive à l’autre, même dans le rayon de feux des batteries ennemies ; mais les Paraguayens ne se découragent pas : si dans les eaux de Humayta même ils ne peuvent plus continuer leurs travaux d’évacuation, ils inventent de se créer des passages par les cours d’eau et les marais qui entourent Humayta du côté de l’intérieur et qui communiquent par plusieurs brèches de la rive avec le haut du fleuve. Pendant un certain temps et en se glissant sous le couvert de la végétation qui envahit les carrisals et les esteros, en se servant d’une trentaine de barques légères qui leur étaient restées, ils purent dissimuler leurs manœuvres à la vigilance de l’ennemi ; néanmoins un jour arriva où ils furent découverts, et alors les alliés, armant les embarcations de leurs bâtimens, vinrent à leur tour les chercher dans les routes secrètes qu’ils s’étaient frayées. Il s’ensuivit de nombreux combats qui retardèrent jusqu’au 5 août la capitulation de la place. La garnison, réduite à 1,200 hommes, se rendit avec tous les honneurs de la guerre, et elle les avait bien mérités. Depuis quelque temps déjà ses vivres étaient complètement épuisés, et dans les quatre derniers jours de la défense plus de 200 hommes étaient, à la lettre, morts de faim. La chute de Humayta était l’événement le plus considérable qui se fût encore accompli, et il est permis de croire qu’après avoir obtenu ce succès, si les alliés eussent montré plus d’activité, ils auraient pu frapper des coups décisifs.

L’on vit alors se renouveler le spectacle assez extraordinaire, quoique peut-être explicable par les difficultés de la topographie, mais que les deux adversaires avaient déjà présenté plus d’une fois depuis le commencement de la guerre. On eût dit qu’une trêve fût intervenue, que de part et d’autre on se fût interdit de troubler l’ennemi dans ses opérations. — Les alliés commencent par employer tranquillement tout le mois d’août et la première partie du mois suivant à s’installer dans Humayta, où ils transportent leur matériel, leurs approvisionnemens, leurs hôpitaux, etc., puis le 23 septembre, ayant reconnu la nouvelle position que venait de prendre Lopez et qu’ils croient ne pouvoir attaquer de front, ils s’occupent presque exclusivement de construire et de perfectionner, sur la rive droite du Paraguay, la route qui doit leur permettre de faire avancer leur armée pour aller prendre à revers les nouveaux ouvrages des Paraguayens. De son côté, Lopez s’établit à une dizaine de lieues au-dessous de l’Assomption, derrière le Pykysyry, affluent de la rive gauche du Paraguay. C’est une petite rivière peu large