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LA GUERRE DU PARAGUAY.

mens dans les situations respectives des belligérans. Elle s’inaugura d’abord par la retraite du général B. Mitre, que la mort inattendue du vice-président de la confédération argentine rappelait à Buenos-Ayres, au siège du gouvernement de la république. Le 14 janvier 1868, il remit le commandement en chef de l’armée alliée au maréchal Caxias, qui depuis le mois de novembre 1866 commandait le contingent et la flotte du Brésil. C’était la plus grande illustration de l’armée brésilienne, l’officier le plus ancien et le plus élevé en grade. Il s’était d’abord fait connaître par l’habileté et l’énergie avec lesquelles il avait, pendant la minorité de l’empereur dom Pedro II, comprimé une tentative d’insurrection dans la province de Saint-Paul. Cela l’avait mis bien en cour, et depuis lors on s’était toujours adressé à lui dans les occasions où le Brésil avait eu à faire quelque développement de forces un peu sérieux. Ainsi c’était lui qui commandait en 1852 le contingent brésilien à la bataille de Caseros, où succomba le gouvernement du Dictateur Rosas, On pouvait dire qu’il avait réussi dans toutes ses missions, et récemment encore il avait dirigé avec un mérite réel le mouvement tournant qui avait porté le général Barreto jusqu’à Tayi. Il avait l’avantage de prendre le commandement d’une armée déjà éprouvée par trois ans de travaux et de combats, et que des renforts arrivés depuis peu en proportion considérable venaient de reporter au chiffre d’environ 50, 000 hommes.

Le plan qu’il paraît avoir adopté consistait à ne pas donner un plus grand développement aux opérations qui venaient de s’accomplir par terre, et qui enfermaient dans un cercle toutes les positions paraguayennes ; il chercha plutôt à s’étendre sur le fleuve. En effet, le 13 février 1868, trois canonnières cuirassées, qui avaient été construites à Bio de Janeiro et qui en arrivaient, commencent par franchir sans accident la passe de Curupaity, puis le 18 elles se joignent à celles qui les avaient précédées au mois d’août, et franchissent ensemble la passe de Humayta. Des six bâtimens qui tentèrent l’entreprise, un seul resta en arrière, non qu’il eût éprouvé des avaries, mais uniquement parce que sa machine était trop faible pour remonter le courant, très rapide en cet endroit. Il alla rejoindre ceux qui occupaient les eaux de Curupaity. Les autres passèrent sans dommages réels, bien qu’ils dussent, à cause des sinuosités du fleuve, rester, pendant quarante-deux minutes et à une distance de 200 ou 300 mètres au plus, exposés à l’innombrable artillerie qui garnissait les remparts de Humayta. Ils allèrent alors rallier la division qui s’était établie à Tayi. Par suite de ce mouvement, l’investissement de toutes les positions de Lopez était presque complet ; il n’y avait plus de passage libre pour l’armée paraguayenne, si elle