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envoyées par les fermiers de l’ouest ; mais l’été approchait, "on ne pouvait plus compter sur ces envois, et cependant il était nécessaire de continuer un régime protecteur. Ce fut alors qu’on eut l’idée de défricher et d’enclore 35 acres de terre situés auprès de l’hôpital de Murfreesboro. La commission fournit les outils et les semences ; elle fit venir de Cincinnati trente mille plants de légumes divers ; les dames de l’état d’Ohio envoyèrent des fleurs pour égayer les bordures ; les convalescens et les nègres se firent jardiniers. En peu de temps, on eut en abondance des légumes de toute sorte : salades, radis, oignons, pois, fèves, tomates, melons, concombres, etc. On y récolta 1,200 boisseaux de pommes de terre, 1,200 boisseaux de patates, 25,000 têtes de choux, etc. Ce premier essai fut si heureux qu’on le répéta partout où il y avait un hôpital ou des troupes sédentaires[1]. Cultiver ces légumes qui amélioraient l’ordinaire, c’était la joie du soldat, et cependant il s’en faut de beaucoup que pour un pareil travail l’Américain vaille le Français ; il est bûcheron et laboureur bien plus que jardinier.

Reste une dernière institution de la commission sanitaire, et qui n’est ni la moins neuve ni la moins utile. C’est ce qu’on appela the soldier’s home ou le Foyer du soldat. L’objet de ces établissemens demi-hôpitaux, demi-auberges, était de recevoir les soldats congédiés à leur sortie du régiment ou de l’hôpital. Dans ces asiles faits pour lui, le soldat congédié trouvait le logement, la nourriture et tous les soins dont il avait besoin. On se chargeait de lui obtenir ses papiers et sa solde. Y avait-il des démarches à faire, des lettres à écrire, la commission prenait tout l’ennui pour elle, le soldat pouvait rentrer tranquillement dans son pays ; on veillait pour lui. Si le voyageur était sans ressources, on lui payait son retour, et au besoin on lui fournissait des habillemens propres et suffisamment chauds. En outre, et pour éviter aux soldats en congé les dangers de la ville et les tentations de l’oisiveté, les agens de la commission à Washington réunissaient tous les hommes libérés, et les expédiaient par chemin de fer avec un courrier qui les accompagnait jusque dans l’état où ils avaient leur domicile. La commission établit quarante de ces maisons de refuge, depuis Washington jusqu’à Brownsville, dans le Texas ; on y reçut en moyenne 2,300 hôtes par nuit, et on y distribua 4,500,000 rations[2].

Y a-t-il en France rien qui ressemble à ces gîtes hospitaliers ? Écoutons M. Chenu, il nous dira comment, en pleine paix et avec

  1. History of the sanitary Commission, p. 329. — The United-States sanitary Commission, p. 185.
  2. History of the sanitary Commission, p. 291.