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terrestre qui n’entend pas que le pays se mêle de ses propres affaires, elle repousse la charité individuelle comme un embarras, sinon même comme un danger. Au début de la campagne d’Italie, la France s’était émue, les dons commençaient à affluer ; Dieu sait s’ils étaient nécessaires ! On n’eut rien de plus pressé que d’étouffer ce mouvement, un comité officiel fut institué ; son premier soin fut de prendre la décision suivante, appuyée sur un considérant auquel les faits ont donné le plus cruel démenti :


« L’armée d’Italie étant amplement approvisionnée par les soins de l’administration de la guerre, les dons en nature provenant de la souscription nationale seront successivement vendus par l’administration des domaines, et le produit de la vente, versé dans les caisses publiques, viendra en accroissement des dons en argent.


« Il est fait exception à cette disposition pour les dons de linge à pansement, qui, par mesure de prévoyance, seront versés dans les magasins militaires[1]. »

Le régime des blessés et des malades est encore une des choses qui distinguent le système américain. On sait qu’aux États-Unis le soldat sous les drapeaux est nourri avec une libéralité, je dirais presque un luxe, sans exemple. En sus de leurs rations, qui sont de bonne qualité, les soldats reçoivent du thé, du café, du sucre, du lait condensé, de la glace, des fruits et légumes conservés au vinaigre (pickles). Ces deux derniers articles sont aussi nécessaires à l’Américain que le pot-au-feu l’est au Français. On fournit encore aux troupes fédérales des cigares, du tabac, du whiskey. Tandis que nous abusons de la sobriété proverbiale du soldat français pour lui donner une nourriture grossière et insuffisante, les Américains, qui savent compter mieux que nous, déclarent que cette apparente profusion est l’économie la mieux entendue. L’expérience a prononcé pour eux. Le scorbut et le typhus ont à peine effleuré l’armée de l’Union. En temps de guerre, la mortalité chez les troupes fédérales n’a pas dépassé 3,9 pour 100 ; chez nous, en temps de paix, dans nos casernes, elle atteint 10 pour 100[2]. Ces deux chiffres ont une éloquence qui dispense de tout commentaire. Dans les hôpitaux, les ressources alimentaires ne sont pas moins abondantes ; elles permettent une grande variété de régime, chose excellente dans la maladie et dans la convalescence. À Fairfax, dans un hôpital de douze cents lits, le chirurgien en chef avait établi six régimes différens, qui, dans le plus grand nombre des cas, lui permettaient de donner à chacun de ses patiens la nourriture la plus convenable. Voici le tableau qu’il

  1. Statistique de la campagne d’Italie, t. Ier, p. 279.
  2. Ibid., t. Ier, p. CXVIII et CXXIII.