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Jean-Bart reçut 720 militaires ; 300 avaient les extrémités antérieures congelées à divers degrés, beaucoup d’entre eux étaient atteints de diarrhées ; 200 étaient minés par des dyssenteries graves, la plupart compliquées de symptômes cholériformes ; 100 environ se trouvaient à l’une des périodes de la fièvre typhoïde ou du typhus ; les autres, capables de marcher, présentaient des bronchites, des fièvres intermittentes, du scorbut.

« Grâce à la rapidité de sa marche, le Jean-Bart, malgré le mauvais temps, fit une courte traversée. La batterie basse avait été affectée aux maladies les plus graves ; mais avec le mauvais état de la mer on dut maintenir les sabords exactement fermés. Ceux qui ont partagé les fatigues de cette campagne peuvent seuls se faire une idée du degré d’infection qui en fut la conséquence. La matière des vomissemens se mêlait aux déjections alvines sur les matelas, sur le pont. L’eau de mer embarquait par les écubiers, charriant d’une extrémité de la batterie à l’autre cette masse d’ordures d’une repoussante fétidité. Quels étaient les moyens dont on disposait pour lutter contre un pareil foyer d’infection ? La ventilation, soit par les sabords, soit par les manches à vent, était impossible ; le nettoyage de la batterie ne pouvait se faire. Comment en effet déplacer cette masse de malades serrés les uns contre les autres, et dont la prostration était augmentée par le mal de mer ? Sans doute, les soins de propreté, les fumigations chlorurées luttèrent avec constance contre cette cause sans cesse renouvelée d’empoisonnement miasmatique ; mais ai-je besoin d’ajouter que ce fut sans résultat efficace[1] ? »


Pauvre soldat français, héroïque paysan, tu es encore plus grand par ta résignation que par ton courage ; mais que doit-on penser d’un pays qui expose à de pareils supplices ses fils les plus dévoués ? Épargner au blessé, au malade, toute souffrance inutile, c’est au contraire la pensée constante du service médical américain. Le wagon-hôpital est une autre invention de la commission sanitaire ; c’est le docteur Harris qui a imaginé ce moyen de transporter les blessés en chemin de fer sans les déplacer du brancard-couchette où on les a mis après l’opération ou le pansement. Dès l’automne 1862, il y a eu des trains de blessés entre Washington et New-York. Dans l’ouest, on a vu le train-hôpital d’Atlanta à Louisville faire régulièrement un trajet de plus de 500 milles avec l’exactitude et la vitesse de nos chemins de fer les mieux organisés. On calcule que durant la guerre on a ainsi transporté, presque sans fatigue et certainement sans danger, près de 100,000 blessés ou malades sur les chemins de l’est, plus de 125,000 sur les chemins de l’ouest[2].

Le wagon-hôpital a été adopté par les Prussiens, et leur a rendu

  1. Chenu, Rapport au Conseil de santé, etc., p. 76.
  2. History of the sanitary Commission, p. 164.