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former un nouveau groupe. Quel est le prétexte de cette scission ? Il s’agissait, à ce qu’il paraît, de savoir à quel moment on interpellerait le gouvernement sur la prorogation. Franchement le motif est futile, et le jour mal choisi pour se diviser. Les membres du corps législatif nous permettront de leur dire que tout dépend d’eux aujourd’hui, et que le pays les regarde.

Nous vivons dans un moment étrange, où toutes les questions se pressent et se confondent. Le corps législatif est maintenant réuni ; à lui, tout ce qui est politique. Dans huit jours va s’ouvrir à Rome la plus grande des assemblées religieuses, ce concile œcuménique autour duquel se ravivent et s’accentuent toutes les contestations. Au même instant, d’un bout à l’autre de la France, au nord et au midi, dans tous les foyers d’industrie et de travail, grandit une agitation économique qu’il faudra bien regarder en face, et sur laquelle on essaie vainement de jeter l’eau froide des enquêtes administratives. C’est la mêlée ardente de tous les intérêts politiques, moraux, matériels, et si l’on se plaint quelquefois que les hommes paraissent petits dans notre temps, les problèmes sont assurément profonds et immenses. Ce ne sont pas dans tous les cas les promoteurs du concile qui songent à diminuer ces problèmes, puisqu’en convoquant l’épiscopat universel à Saint-Pierre de Rome, ils ne lui proposent rien moins que de trouver le « remède aux maux du siècle. » C’est beaucoup de vouloir guérir le siècle de tous ses maux, et à la rigueur le concile ne perdrait peut-être pas tout à fait son temps s’il se bornait à ne pas aggraver nos difficultés. Les meneurs de Rome, les docteurs de la Civiltà Catlolica, ne peuvent se contenter d’un si modeste rôle, ils veulent absolument renouveler le monde en le ramenant en arrière, faire proclamer l’infaillibilité personnelle du pape, imprimer le sceau du dogme au Syllabus interprété et commenté par eux, et ils ont particulièrement en France des auxiliaires qui ont imaginé d’organiser, sous la forme d’une souscription, une sorte de pétitionnement ultramontain parfois assez burlesque. — Fort bien ; malheureusement, à mesure qu’on approche de l’heure décisive, les affaires du concile s’embrouillent, les dissidences se prononcent. De toutes les manifestations récentes, la plus grave sans nul doute, la plus significative, est celle de M. l’évêque d’Orléans, qui, en se plaçant auprès de M. Maret, vient de se déclarer d’une façon retentissante contre l’infaillibilité pontificale, dans laquelle il voit une nouveauté inutile, inopportune et dangereuse. Avant de partir pour Rome, M. Dupanloup a fait un coup d’éclat, et, comme si ce n’était pas assez, il a complété ses Observations sur la définition de l’infaillibilité par la plus verte correction administrée à certains journaux parisiens qui ont de longue date la prétention de régenter les évêques. La vérité est que l’Univers, ainsi frappé de main de maître, fait depuis ce moment une assez triste figure avec