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le gouvernement italien à n’admettre, outre les actionnaires, que les assurés et les déposans au bénéfice des dispositions prises par le récent décret. Les réclamations faites par ces trois catégories d’intéressés doivent, pour être prises en considération, porter sur l’un des points suivans : la violation des statuts sociaux ou de quelque article du code de commerce, l’inexactitude des comptes-rendus ou des prospectus publiés par la compagnie. Quand les requérans sont des actionnaires, ils doivent en outre représenter le dixième au moins du capital social. Il n’y a aucune prescription analogue pour les assurés et les déposans. Dans les circonstances que nous venons d’énumérer, la chambre de commerce est valablement saisie des plaintes ; mais elle n’est pas tenue de les prendre en considération. Comme en Angleterre le board of trade en pareil cas, la chambre de commerce a le droit d’examiner au préalable le mérite de la requête, et de n’y donner suite que si elle lui paraît fondée. Lorsqu’elle accueille favorablement ces plaintes, elle doit se borner à procéder à l’inspection des registres, livres et comptes de la compagnie, puis à faire un rapport détaillé dont il doit être adressé copie tant à la société qu’aux requérans ; ce rapport peut être imprimé et les divers intéressés en peuvent faire l’usage qu’ils jugent convenable.

À cette tâche simple et nettement définie se borne la tutelle exercée au nom de l’état sur les sociétés anonymes. Ces compagnies conservent donc toute leur indépendance et ne sont soumises à aucune immixtion étrangère ; mais en même temps les intéressés ont des garanties sérieuses. C’est beaucoup, en effet, dans les momens critiques que de pouvoir, grâce à une inspection à la fois éclairée et impartiale, voir clair dans les comptes d’une grande société par actions. Un contrôle aussi efficace est plus puissant que toutes les réglementations. Qui peut dire combien de ruines eussent été prévenues, limitées, si les minorités d’actionnaires ou les divers groupes d’intéressés avaient pu recourir à une expertise sérieuse et s’éclairer en temps utile ? Que de fois il est arrivé à des membres d’une compagnie, à la veille de la faillite, de s’adresser aux tribunaux et d’être évincés dans leurs plaintes, parce qu’ils n’avaient pu découvrir les preuves nécessaires dans le dédale et le mystère dont s’enveloppe la gestion des compagnies anonymes ? L’intervention des chambres de commerce en pareil cas est une sauvegarde efficace. On ne pouvait confier à de meilleures mains cette délicate et importante mission. Il n’est pas besoin de dire que ce mécanisme nouveau n’empêche pas les intéressés de porter leurs griefs de prime abord devant les tribunaux. Ce n’est pas un arbitrage forcé que la réforme italienne a entendu établir, c’est seulement une expertise