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II

Si l’on remonte les siècles écoulés de l’histoire, on trouve que l’Italie a été la première de toutes les contrées européennes à comprendre et à pratiquer les vraies notions du crédit. Au moyen âge, la renommée des Lombards comme banquiers était proverbiale : la banque même est d’origine italienne, comme le prouve l’origine du mot banco, qui, introduit par les changeurs italiens, s’est propagé depuis et implanté dans toutes les langues civilisées. Les premières associations de crédit virent le jour dans le Milanais, en Vénétie, en Toscane, pour s’étendre de là des deux côtés des Alpes. Le banco di Venezia date de 1171, le monte di Firenze de 1336, le banco di San-Giorgio, à Gênes, de 1346. Vers cette époque, toute l’Italie était couverte de monts-de-piété et de sociétés de dépôts, comptes courans ou escompte. L’Italie fut donc l’initiatrice de l’Europe en fait de crédit. De même qu’elle en avait la première donné la pratique, elle en établit la première la véritable théorie. Les ingénieux économistes italiens du XVIIe et du XVIIIe siècle, Verri, Genovesi, tant d’autres qui les ont précédés ou suivis, traitèrent avec une incontestable supériorité toutes les questions financières ou monétaires.

Cette grandeur précoce finit par s’ébrécher lentement, pour tomber enfin en ruines et disparaître, et avant la guerre de 1859 l’Italie, qui avait tant ébloui le moyen âge par sa richesse, son industrie et son esprit d’association, se trouvait au dernier rang des pays d’Europe pour le développement des sociétés commerciales. « Les défiances politiques, dit un écrivain italien, s’attachèrent aux sociétés commerciales elles-mêmes. Pour pouvoir former une association quelconque de l’ordre économique, il fallait demander préalablement l’autorisation de la puissance politique, et le jour où les promoteurs et les actionnaires se réunissaient pour délibérer sur les clauses du statut social, leurs discussions étaient surveillées par un agent de police. Quiconque s’occupait de politique, tout citoyen dont la police croyait avoir à se défier, tout homme connu par ses opinions libérales, n’était jamais invité à prendre part comme actionnaire à une société commerciale, de peur que le gouvernement ne l’interdit : toutes ces vexations devaient nécessairement, ainsi qu’il est arrivé, miner et détruire le principe d’association[1]. » L’Italie redevenue libre, les vieilles

  1. Il Sindacato governativo, le società commerciali e gli istituti di credito, per Carlo de Cesare, p. 44.