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une réforme curieuse qui crée un genre de sociétés commerciales sans analogie, croyons-nous, chez les autres nations de l’Europe. D’après le Companies act de 1867, toute compagnie limitée pourra désormais décider dans l’avant-projet d’association (mémorandum of association) que la responsabilité de l’administrateur remplissant l’emploi de directeur sera illimitée, c’est-à-dire qu’en cas de liquidation ce directeur serait tenu non-seulement en raison des actions qu’il posséderait, mais aussi et en outre comme s’il était membre d’une société en nom collectif. La même clause pourrait être valablement votée dans la forme de résolution spéciale par les compagnies dont l’existence serait antérieure à l’acte de 1867. Au premier abord, il semble que ce genre nouveau de société corresponde à notre société en commandite : il n’en est rien. Les compagnies anglaises à responsabilité restreinte, dont les administrateurs sont soumis à une responsabilité illimitée, continuent à fonctionner sous tous les rapports et en toutes les circonstances comme des compagnies anonymes ordinaires. Les assemblées générales conservent les mêmes droits et n’ont rien abdiqué de leurs pouvoirs. C’est seulement au moment de la liquidation et en cas d’insuffisance de l’actif social que la position respective des directeurs, des actionnaires et des créanciers se trouve changée. Quelle est l’efficacité de ce nouveau système inventé par l’acte de 1867 ? Il n’est guère possible de le dire aujourd’hui. Les mœurs sur ce point font plus que les lois, et il faudra bien longtemps, selon toute apparence, pour que la responsabilité illimitée des directeurs de sociétés anonymes soit devenue, même en Angleterre, un fait fréquent.

Ce sont là les dispositions que le parlement anglais a prises dans ces derniers temps au sujet des sociétés par actions. Nos voisins sont-ils parvenus à concilier dans leurs lois le respect dû à l’indépendance des sociétés et l’établissement des garanties nécessaires aux intéressés ? Il est incontestable qu’ils nous précèdent de beaucoup dans la voie du progrès. Les compagnies anonymes supportent moins d’entraves en Angleterre que chez nous, en même temps les actionnaires trouvent dans les lois des dispositions plus favorables à leur sécurité ; mais la législation anglaise, si récente qu’elle soit, est déjà, à un certain point de vue, de l’aveu même de la presse britannique, dépassée par un pays nouveau qui semblait plutôt destiné à emprunter aux autres nations qu’à leur fournir des exemples. En étudiant les réformes accomplies cette année même dans la législation italienne, nous pourrons voir se développer et se perfectionner une institution heureuse dont les lois anglaises contenaient le germe.