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l’inspection. Les frais sont payés par ces derniers, à moins que le ministère du commerce ne décide qu’ils seront supportés par la compagnie.

Tel est le système imaginé par le parlement pour sauvegarder, dans la limite du possible et du droit, les intérêts des actionnaires. Ce système est-il légitime, est-il efficace ? Nous ne croyons pas, quant à nous, que le gouvernement sorte de son rôle, et empiète mal à propos sur l’initiative individuelle en procédant de la manière que nous venons d’exposer. D’abord ce n’est pas proprio motu qu’il s’agit ; ensuite il se borne à faire une simple constatation, il joue le rôle d’un intermédiaire ; il prête pour ainsi dire ses agens aux membres dissidens de la compagnie, afin de faire une expertise qui présente des garanties d’impartialité et d’exactitude. Ce n’est pas chose rare en Angleterre que des employés publics soient mis, sous certaines conditions, à la disposition des associations ou même des particuliers ; le fait arrive fréquemment pour les agens de police. Les inspecteurs nommés par le board of trade n’ont d’ailleurs d’autre mission que de fournir, s’il y a lieu, des matériaux aux actionnaires. Tout se borne à la confection d’un rapport, qui reste lettre morte, si les intéressés ne s’en emparent pour appuyer sur lui une action judiciaire. Il n’y a rien là qui ressemble à la contrainte et à la tutelle que le gouvernement exerçait partout autrefois, et qu’il exerce encore dans certains pays sur les sociétés anonymes.

On ne doit pas se dissimuler cependant que l’acte de 1862, en établissant une digue souvent efficace contre la mauvaise foi des directeurs de sociétés, n’est pas parvenu à creuser un port entièrement sûr, où les actionnaires se puissent reposer sans inquiétude. Il faut toujours que les intéressés aient les yeux ouverts, si ce n’est pour voir parfaitement clair dans les opérations des compagnies. du moins pour découvrir quand ces opérations sont ténébreuses et suspectes. Il est arrivé dans ces dernières années bien des catastrophes qui sont tombées comme la foudre dans un ciel serein, et ont frappé à l’improviste des actionnaires confians et heureux de l’apparente prospérité de leurs affaires ; cependant tous ces grands désordres financiers, dont la succession à de courts intervalles a momentanément suspendu le crédit en Angleterre, n’ont pas diminué la foi du parlement dans l’indépendance des sociétés anonymes et dans l’efficacité des garanties que l’acte de 1862 avait imaginées. Bien loin d’inventer des restrictions nouvelles, le parlement a élargi le cercle où se meuvent en toute liberté les sociétés par actions. L’acte du mois d’août 1867 leur a donné toutes facilités pour diminuer le capital social aux conditions que nous avons énoncées plus haut ; mais le même acte a introduit dans la législation