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psychologie de l’école expérimentale conserve sa part de vérité, abstraction faite de ses prétentions à la méthode psychologique par excellence, Il ne faut point oublier qu’elle est une réaction salutaire à certains égards contre les tendances peu scientifiques des écoles qui l’ont précédée, soit en Angleterre, soit en France. D’une part, l’école dite rationaliste, l’école de l’a priori, ainsi que l’appelle Stuart Mill, avait abusé des idées innées, des vérités soi-disant indépendantes de l’expérience, produit d’une sorte de faculté révélatrice qu’elle nomme raison. Un jeune philosophe de l’école expérimentale, qui porte dans.les recherches de ce genre la netteté d’intuition, la vigueur d’analyse, la précision de langage propre à l’esprit français, M. Taine, a singulièrement réduit, s’il ne l’a pas tout à fait supprimée, la catégorie de ces jugemens dits synthétiques a priori, pour lesquels toutes les écoles rationalistes, depuis Kant jusqu’à Victor Cousin, avaient cru devoir reconnaître certaines facultés et certains procédés irréductibles à l’expérience. De son côté, l’école de Reid, bien que plus circonspecte et se rapprochant davantage de la méthode de Bacon, avait étendu outre mesure la liste des principes primitifs et inexplicables de la nature humaine, soit dans l’ordre des vérités métaphysiques, soit dans l’ordre des vérités morales. En faisant trop fréquemment intervenir le sens commun comme un machina deus, pour trancher les difficultés qu’une analyse incomplète ou superficielle ne pouvait dénouer, cette école tendait à énerver l’esprit de recherche et à faire prédominer les instincts et les préjugés du sens vulgaire sur les analyses et les explications de la science. Sous ce rapport, la nouvelle école a rendu un service signalé à la philosophie de l’esprit humain en ramenant à l’expérience ou à l’analyse la plupart de ces principes dits naturels, de ces idées dites innées, de ces vérités dites a priori, pour l’explication desquelles l’école spiritualiste tient encore aujourd’hui à ses mystérieux procédés et à ses facultés transcendantes.


III

Où l’école expérimentale montre sa faiblesse et son insuffisance, c’est précisément dans les questions qu’elle a eu le plus à cœur de résoudre par les méthodes qui lui sont propres. Son principe de l’association et de l’habitude est contredit par l’analyse sur les trois points capitaux de la doctrine. Ainsi, qu’il soit possible d’expliquer autrement que ne le fait l’école rationaliste les caractères de nécessité et d’universalité que présente toute une classe de nos jugemens, c’est ce que l’analyse semble avoir démontré ; mais rien