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ne peut nous dire ce qui constitue la nature psychique de l’homme lui-même. Et si elle essaie de le faire en comparant toutes les races entre elles et en en dégageant les caractères communs, elle ne réussit qu’à donner une formule abstraite et vague, qui ne fait réellement connaître aucune des facultés primordiales et vraiment constitutives de la nature humaine.


II

Il est une autre école de psychologues qui, sans voyager ailleurs que dans les régions de l’idéologie, tient néanmoins à rester fidèle à la méthode expérimentale proprement dite. Elle ne s’enferme point dans le for intérieur de la conscience pour y saisir l’être humain lui-même, le sujet et l’a cause des phénomènes psychiques ; elle se borne à l’observer dans la succession de ses actes et de ses modifications, qu’elle recueille et décrit avec soin, dont elle constate les rapports de manière à dégager les lois qui régissent le développement de ses facultés. Comment l’homme sent, imagine, pense, veut, agit, c’est-à-dire quel est le phénomène organique ou psychique qui sert de condition à chacun de ces phénomènes de la vie morale, voilà ce que cette école cherche à expliquer en s’appuyant sur un genre d’observation qu’il ne faut pas confondre avec l’observation immédiate et directe, telle que ! a pratiquent Maine de Biran, Jouffroy et les psychologues de leur école. C’est du dehors que l’école dont nous parlons observé ce qui se passe à l’intérieur. Laissant à ce qu’elle appelle la vieille psychologie la contemplation de l’âme elle-même et la solution des problèmes métaphysiques qui s’y rattachent, elle ne regarde, ne voit l’homme que dans les faits, dans les actes, dans les œuvres de sa vie intellectuelle et morale, l’étudié par conséquent dans son histoire, sans chercher à sonder les mystères de sa nature intime. Quant aux lois qui régissent cette histoire, elle n’emploie pas, pour les connaître, d’autre méthode que l’induction, absolument comme on fait dans les sciences physiques et naturelles. C’est qu’en effet, avec cette manière d’étudier l’homme, il ne s’agit plus de rechercher des causes, mais simplement de constater des rapports et de déterminer des lois. Ici, comme dans les sciences physiques, les causes véritables des phénomènes restent cachées à l’observateur. La méthode de Bacon est également bonne pour les deux espèces de réalité. C’est ce que veulent dire les philosophes anglais quand ils définissent la psychologie tantôt la physique, tantôt l’histoire naturelle de l’esprit.

Ainsi procèdent en Angleterre Stuart Mill, Herbert Spencer,