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Tartares, pour se faire une idée des aptitudes et des incapacités naturelles de cette race, de son goût et de son talent pour les sciences pratiques et les arts mécaniques, de son éloignement pour les sciences transcendantes et pour la métaphysique, de sa rare finesse, de son étonnante subtilité d’esprit, non-seulement dans les choses de négoce, mais encore dans les plus difficiles exercices d’attention et de raisonnement : en sorte qu’on a pu aussi donner la formule de cette race, — la prédominance des instincts et des facultés pratiques sur les facultés spéculatives. Enfin, en rapprochant les monumens religieux et poétiques des divers peuples de la race sémitique, en les comparant avec les monumens religieux et poétiques du même genre chez les grands peuples de la race aryenne, les Hindous, les Perses et les Grecs, l’ethnographie a découvert que le génie symbolique manque absolument à la race des Sémites, dont la répugnance invincible pour la doctrine des incarnations est aussi connue que le goût des peuples aryens pour les symboles de toute espèce, naturels ou anthropomorphiques. Ajoutez à l’étude des monumens religieux et littéraires l’analyse des langues et des idiomes, et vous trouverez la démonstration philologique des vues générales que l’ethnographie avait tout d’abord dégagées de l’observation historique.

Toutes ces révélations, de quelque source qu’elles proviennent, sont assurément précieuses ; mais combien elles sont et resteront incomplètes et superficielles en comparaison des enseignemens de l’analyse et de l’observation directe ! Quelle autre science nous aurions du génie de la race nègre ou de la race jaune, si nous découvrions tout à coup des livres où tel esprit supérieur, tel philosophe, tel moraliste de ces races eût essayé, même grossièrement, de faire l’histoire intime de ses sentimens et de ses passions, l’analyse de ses facultés ! C’est parce que cette psychologie se retrouve, en traits épars et sous des formes poétiques ou théologiques, chez les peuples de race sémitique, que l’ethnographie est bien plus riche en documens sur cette race que sur les précédentes. Encore faut-il dire qu’une psychologie ainsi faite est bien loin d’avoir la profondeur, la clarté, la précision des analyses et des descriptions d’une psychologie régulière.

Et quand l’ethnographie arriverait à mettre la main sur des œuvres de ce genre, elle ne pourrait pas remplacer l’observation de la conscience. Elle serait en mesure de définir d’une manière sûre et précise les caractères de la race ; elle ne suffirait point à donner, dans toute sa généralité et toute sa profondeur, la formule psychologique de l’espèce. On peut bien lui demander ce qui constitue la nature psychique du nègre, du Chinois, du Juif et de l’Arabe ; elle