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furent commencés ; ils s’élevèrent sur une terrasse factice dont la maison de Néron, comblée soigneusement et plongée dans d’éternelles ténèbres, forma la substruction. Ouverts aux citoyens après la mort de Vespasien, ces thermes ont gardé le nom de bains de Titus.

Les raffinemens contre la mémoire de Néron furent poussés plus loin. Celui-ci avait démoli sur le Cœlius un temple commencé par sa mère Agrippine et qui devait être dédié au divin Claude. Titus se moquait de Claude comme tout citoyen de Rome ; mais il releva son temple avec affectation, afin de mieux constater l’impiété de son fils adoptif. En même temps il consacra une statue à Britannicus, empoisonné par Néron, autant pour raviver le souvenir du crime que pour honorer le compagnon de son enfance.

Vespasien, dont les coffres regorgeaient, se prêtait à cette guerre rétrospective, parce qu’elle était l’occasion de travaux considérables qui restauraient la ville, ravivaient le commerce et occupaient des milliers de bras. Il était moins accommodant pour la seconde partie de la politique de son fils, celle qui tendait au prestige, à des origines chimériques et presque à la divinité. Les mensonges et les légendes le trouvèrent sans pitié. Il refusa de déclarer déesses, selon l’usage impérial, sa mère Vespasia Polla et sa femme Flavia Domitilla, mortes avant son avènement. Titus ne put satisfaire sa piété fastueuse envers sa mère que lorsqu’il fut empereur ; alors seulement il prodigua à sa famille les statues, les médailles commémoratives, les apothéoses. Lorsqu’on apportait à Vespasien un tableau généalogique admirable qui le faisait descendre d’un compagnon d’Hercule, fondateur prétendu de la petite ville de Réate, Vespasien haussait les épaules ou parlait du laboureur cisalpin, son aïeul. Titus rougissait et se taisait ; En vain Titus le suppliait de s’entourer de gardes, d’habiter le Palatin, de ne plus repousser une pompe et un luxe qui sont le secret de la majesté des rois ; en vain il demandait pour son frère Donatien, non pas une puissance qui l’eût alarmé lui-même, mais des honneurs et des apparences propres à en imposer à la crédulité des hommes, Domitien, à qui son père tenait rigueur, ne fut consul sérieusement, c’est-à-dire une année entière, que lorsque Titus se fut démis en sa faveur de son propre consulat. Les efforts de Titus pour entourer d’éclat la dynastie récente échouèrent contre l’opiniâtre bon sens de Vespasien. Il ne pouvait donc appliquer que dans une faible mesure sa théorie ; il eut la consolation d’en être lui-même un jour la victime et de pouvoir s’immoler aux préjugés du temps.

Bérénice était à Rome ; elle n’avait pas accompagné le vainqueur de Jérusalem, elle l’avait rejoint, conduite par son frère Agrippa.