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de bronze frappées sous Vespasien en donnent quelque idée. On y voit les six colonnes de la façade, l’entrecolonnement plus large au milieu ; Jupiter, assis dans le fond de son sanctuaire, tenant le sceptre et le foudre ; Minerve, dans le sanctuaire de droite, debout, casquée, s’appuyant sur sa lance ; Junon, dans le sanctuaire de gauche, debout, le torse nu, renversant une patère à libations. Les degrés, les statues qui les précèdent, le fronton avec sa décoration, les aigles qui forment les acrotères, le quadrige qui surmonte le faîte, tout est indiqué.

La restauration du temple capitolin était un symbole : l’empire allait être restauré comme son palladium, qui devenait, aux yeux des usurpateurs, le palladium de leur dynastie ; mais ce n’était pas à Vespasien qu’il appartenait de déduire ces conséquences. Trop sensé et trop sceptique pour être un fondateur, il se contentait d’agir en père de famille ; il amassait pour ses enfans. Aussi les deux premières années de son gouvernement offrent-elles peu d’intérêt ; elles ne sont remplies que par les expédiens ou les exigences de l’administration. Il faut que Titus soit revenu de Judée, qu’il ait pris pied à Rome, qu’il ait reconnu le terrain pour que ses actes aient un caractère politique et tendent vers un but, car c’est Titus qui est le créateur, l’ambitieux, le poète ; c’est Titus qui travaille pour l’avenir, c’est-à-dire pour lui-même ; c’est Titus qui est l’âme, Vespasien n’est que l’instrument.


III

Titus avait espéré réduire promptement Jérusalem, soit par une capitulation, soit par la force. Les Juifs, acharnés à leur propre perte, refusèrent ses conditions et firent une défense admirable. Il fallut accepter les lenteurs d’un siège dont les détails sont relatés par le témoin Josèphe. Titus, désespéré d’abord d’une résistance qui le retenait loin de Rome, ne se fiant qu’à demi à l’habileté de son père, se rassura plus tard lorsqu’il apprit quel accueil on avait fait à Vespasien. Tranquille sur l’établissement de l’empire, consolé par l’amour de Bérénice, charmé par des flatteries nouvelles pour lui, entouré d’une cour magnifique que lui fournirent les petits rois de l’Orient et tous les Romains qu’avaient attirés d’Italie l’intérêt, l’espoir, le désir de s’emparer de l’oreille encore libre du prince, il se résigna à devenir un héros. Il se comporta vaillamment, exposa sa vie avec témérité, fut vainqueur et se vengea de tout ce que les Juifs lui avaient fait craindre par la destruction de Jérusalem. Raser une ville illustre et florissante parce qu’elle s’est révoltée justement, disperser une nation parce qu’elle a été poussée aux dernières