Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/697

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès le début de son règne, Vespasien avait inauguré d’une manière significative l’ère des réparations. Il avait voulu, avant tout, restaurer le Capitole, c’est-à-dire le double sanctuaire de la religion d’état et des lois. Le temple de la trinité capitoline, sauvegarde de l’empire, et le tabularium, archives de la toute-puissante administration, avaient brûlé pendant les troubles civils. C’étaient même les Flaviens qui avaient causé l’incendie, car Flavius Sabinus, frère de Vespasien, en se faisant assiéger dans le Capitole, y avait attiré le feu et la flamme. Des monceaux de ruines immenses semblaient défier tous les efforts. Vespasien donna l’exemple ; une hotte sur le dos, il emporta les premiers déblais. Il est inutile d’ajouter que des travaux ainsi commencés devaient marcher vite. Vespasien put déposer la hotte et s’en remettre aux soins de L. Vestinus, chevalier considérable, Gaulois d’origine. Très actif, très intelligent, ce Vestinus fut l’Agrippa de Vespasien, tandis que Mucien s’en fit le Mécène. Les défenseurs des nouvelles dynasties sont épris de ces sortes de résurrections, ils vont même jusqu’au plagiat ; ils croient abriter leur maître sous la protection de souvenirs déjà consacrés, et se livrent avec passion à la pratique de cette sorte d’archéologie. Mucien, qui ne mérite plus désormais l’attention de la postérité, attirait quelques beaux esprits, vivait dans la mollesse, s’entourait d’un luxe effréné, faisait un recueil de mémoires et de lettres, et écrivait pendant ses loisirs forcés une histoire naturelle où l’on prétend que Pline a plus d’une fois puisé. Vestinus au contraire était infatigable. Le 11 des calendes de juillet de l’an 71, la première pierre du temple capitolin fut posée avec pompe. On avait entouré le périmètre du temple de bandelettes ; la haie était formée par des soldats qui tous avaient des noms d’heureux présage, Félix, Fortunatus, Faustus, Pius, etc.. Les vestales, suivies d’un double chœur de jeunes garçons et de jeunes filles qui n’avaient point encore porté le deuil de leurs parens, aspergèrent le sol d’eau puisée par elles aux sources ; le pontife Plautius Ælianus le purifia par le triple sacrifice d’un taureau, d’un porc et d’une brebis ; le préteur Helvidius Priscus, après avoir invoqué la trinité du Capitole, prit le câble ; tous, prêtres, sénateurs, chevalière, plébéiens, le saisirent derrière lui et traînèrent en cadence la pierre fondamentale jusqu’à sa place. Dans le trou qu’elle devait occuper, on jeta de l’or vierge, de l’argent qui n’avait jamais été fondu par le feu. Le monument fut poussé rapidement. Le plan ancien fut respecté, comme il l’avait été par Sylla ; c’était le plan étrusque, trois sanctuaires parallèles avec une seule façade. Les formes générales et l’ordre, qui était corinthien, furent reproduits, mais avec des proportions plus élancées, plus de hauteur, plus de richesse ; de grandes médailles