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Flavia Domitilla donna deux fils à Vespasien : Titus, l’aîné, naquit le 30 septembre de l’an 41. Titus est l’héritier de l’ambition de Vespasia Polla, sa grand’ mère ; Titus est l’âme de la famille et l’artisan de sa grandeur ; Titus a voulu l’empire et l’a conquis ; Titus a préparé l’avènement de son père Vespasien, partagé sa puissance, continué son règne sans secousse, assuré à son frère Domitien sa propre succession ; Titus est le fondateur de la dynastie. Il mérite donc particulièrement l’attention ; il doit être toujours au premier plan ; il explique une série de faits dont l’intelligence échappe dès qu’on l’oublie. Je voudrais mettre en son vrai jour cette figure, que la postérité juge mal. Les historiens représentent Titus comme doux et débonnaire, parce qu’ils ne s’attachent qu’aux deux années de son gouvernement personnel ; les poètes le font langoureux comme un berger des bords du Tendre, galant comme un héros de la Clélie. Racine surtout, a dénaturé le personnage pour l’accommoder au goût de son temps, l’assimiler à Louis XIV et contenter Henriette d’Angleterre, qui avait commandé cette tragédie larmoyante. Tel est le prestige du génie : le faux Titus consacré par les vers de Racine est devenu le seul Titus dont on veuille se souvenir en France. Les allusions au grand roi sont déclarées exquises par ceux-là qui sont le plus sévères pour toute leçon tirée des événemens passés et appliquée au présent. Nous trouvons un écrivain charmant dès qu’il abuse de l’histoire pour flatter les rois, nous le blâmons s’il en use pour les avertir et les redresser. Cependant l’histoire doit être un miroir fidèle où l’humanité se contemple, jugé ses maîtres et s’instruit. Tout esprit non prévenu qui lira avec soin les récits des auteurs sera frappé du caractère vrai de Titus, qui est l’opposé de sa réputation. Audacieux, actif, persévérant, tenace, avide et cruel au besoin, négociateur séduisant, corrupteur habile, il étend vers le pouvoir une main implacable ; ce n’est que lorsqu’il l’a saisi, consolidé, rendu héréditaire qu’il s’adoucit, et devient les délices de l’humanité.

Titus naquit dans une maison chétive, située au-delà du Septizonium. Vespasien était gêné ; son édilité avait probablement hâté sa ruine. Sur ces entrefaites, Claude fut proclamé par les prétoriens. Vespasien rechercha les bonnes grâces des affranchis, qui prirent alors la direction des affaires. Il plut à Narcisse, un des triumvirs césariens ; il fut envoyé comme lieutenant, d’abord en Allemagne, puis dans la Grande-Bretagne, où il servit sous Plautius, défit deux peuplades barbares, prit vingt villes, obtint les honneurs du triomphe, un double sacerdoce et le consulat. En partant pour ces lointaines expéditions, il avait obtenu que son fils fût élevé à la cour et devînt un des condisciples du fils de Claude. Titus était de l’âge