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il remplissait le sac et le portait sur l’épaule. Ce fut le début de la famille dans la finance. Pétro, qui avait de l’ambition, fit donner à son fils Flavius le Sabin, Flavius Sabinus, plus d’éducation qu’il n’en avait reçu lui-même. Aussi eut-il la joie de le voir nommer receveur du quarantième en Asie. La perception de cet impôt fut exercée avec assez de douceur pour que plusieurs villes de l’Asie-Mineure voulussent attester leur reconnaissance par l’érection d’une statue. Il est permis de supposer toutefois que la reconnaissance n’éclata qu’après coup, et que la statue fut dressée plus tard, sous le règne de Vespasien et de Titus. Les bénéfices de la recette permirent même à Flavius le Sabin de devenir usurier dans le pays des Helvètes. Il y mourut, exerçant ce métier pour lequel les anciens n’avaient point nos répugnances, et qui ne paraît pas l’avoir enrichi. Tels sont tous les services rendus à Rome et au monde par la nouvelle famille Flavia ; il n’en fallut pas davantage pour faire souche d’empereur.

Les deux fils de Flavius le Sabin furent en effet Flavius Sabinus, qui devint préfet de Rome, et Flavius Vespasianus, qui usurpa l’empire. Chose singulière, Vespasien n’était nullement ambitieux ; ses goûts étaient modestes ; il se serait contenté d’être usurier comme son père, il en avait même la vocation. Ce fut sa mère, Vespasia Polla, qui le jeta, à son grand regret, dans la carrière des honneurs ; ce fut son fils Titus qui le fit monter, malgré lui, sur le trône.

Vespasia Polla était fille d’un tribun militaire ; veuve, elle s’appuya sur le crédit de son père, qui s’accrut considérablement quand il eut été nommé préfet du camp. Active et passionnée, elle n’avait communiqué son énergie à aucun de ses deux fils ; mais elle violenta leur indolence, les rendit laborieux, leur inspira l’esprit d’intrigue, les poussa à la cour. Elle suggéra à Vespasien quelques-unes de ces flatteries qui gagnent la faveur des princes. Il était édile sous Caligula, qui le fit couvrir de boue un jour qu’il ne trouva pas les rues balayées à son gré. Malgré cet outrage, il s’empressa de célébrer des jeux extraordinaires lorsque Caligula revint de sa campagne ridicule sur le Rhin ; il remercia l’empereur, en plein sénat, de la bonté qu’il avait elle de l’inviter à dîner ; il proposa de refuser la sépulture à tous ceux qui étaient tués pour crime de lèse-majesté. Tant de bassesse méritait un salaire : il eut la préture. Sa mère lui avait fait épouser une certaine Flavia Domitilla, qui avait été la maîtresse d’un chevalier. Domitilla n’avait pas même le droit de bourgeoisie latine. Il fallut qu’on lui trouvât un père ; Flavius Liberalis se présenta comme tel pour réclamer sa liberté et la faire reconnaître citoyenne par un jugement. Il était greffier d’un questeur et parent peut-être des Flavius.