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cas de pousser plus loin leurs études et d’entrer dans quelque carrière libérale. Il n’en va point ainsi : chacune de ces vocations, réelle ou prétendue, diminuerait d’autant l’effectif de l’armée des confins ; ce serait un soldat de moins. Celui qui se sent plus fait pour les travaux de l’esprit que pour manier le soc de la charrue et le fusil ne trouve qu’une porte ouverte pour échapper au servage militaire : il est forcé d’entrer dans les ordres. Encore, pour pouvoir se faire prêtre en ne consultant que sa vocation et ses goûts, faut-il qu’il appartienne à la religion catholique. Pour les orthodoxes, l’accès des études théologiques n’est accordé qu’à un nombre de jeunes gens qui varie d’année en année ; on calcule le chiffre des paroisses et celui des vacances probables, et d’après ces données on accorde plus ou moins de dispenses.

On retrouve le même arbitraire et la même logique dans les articles principaux du droit successoral des confins. Voici comment y est réglé ce qui a rapport à la transmission des biens. La faculté de tester n’existe que pour ce qui est en dehors de la fortune patrimoniale, et, le négoce étant à peu près interdit aux gens des frontières, les biens d’excédant et les valeurs mobilières se réduisent en général à fort peu de chose. S’il échoit à un membre d’une de ces associations un immeuble quelconque, soit par héritage, soit par donation, il doit se confondre avec la fortune commune : on ne peut éviter cette confusion qu’en sortant de l’association ou en vendant l’immeuble dans l’espace de deux ans. Il en est de même s’il s’agit de bestiaux. L’argent et les ustensiles agricoles peuvent seuls rester propriété particulière. Tous les hommes de la maison, à quelque titre qu’ils y soient entrés, pourvu que ce ne soit point comme domestiques, ont un droit égal sur les immeubles qui appartiennent à la société. Si l’un d’entre eux vient à se détacher du groupe, sauf certains cas prévus par la loi où il doit recevoir sa part, il perd son droit, qui est acquis par le fait même aux autres hommes, et cette réversion a lieu jusqu’au dernier survivant. Si celui-ci disparaît à son tour, le droit passe de la même manière aux femmes ; mais alors l’une d’entre elles doit épouser un homme apte au service militaire. Si leur âge ne permet plus ou ne permet pas encore le mariage, elles font valoir ou un tuteur fait valoir pour elles, sous la surveillance de la compagnie, les biens communs, jusqu’à ce qu’un mariage soit possible. Si la dernière héritière vient à épouser un homme qui ne soit pas soumis à la loi des confins, elle est tenue de vendre ses immeubles à des Gränzer, et cela dans un délai de deux ans, sous peine de confiscation. Si enfin la communauté tout entière s’éteint, les terres et les bâtimens du bien patrimonial ou Stammgut reviennent aux parens mâles du dernier possesseur ; les femmes, quel que soit leur degré de parenté, ne peuvent concourir et succéder qu’aux