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laisser aux autres l’avantage de l’unité monétaire, quelque mince qu’il fût, et il ne serait pas mince.


IV

Nous avons assez parlé des bienfaits de l’unité monétaire pour n’avoir plus à y revenir. Cependant il y a un point de vue important qui nous paraît avoir toujours été négligé dans les discussions sur ce sujet : c’est la possibilité d’arriver à réduire la circulation métallique. Quel est aujourd’hui le progrès qu’on cherche à réaliser dans tous les pays civilisés, et qui exerce l’imagination de tous les financiers ? C’est celui d’économiser le numéraire. Cela ne veut pas dire qu’on considère comme l’idéal la possibilité de s’en passer absolument et de le remplacer par du papier, ainsi que le rêvent quelques esprits chimériques. Non, jamais on ne s’en passera, la monnaie est la base de toutes les transactions, la sanction de tous les contrats, l’instrument libératoire par excellence ; mais, tout en respectant la base et ne faisant rien pour l’ébranler, on peut, par des combinaisons de crédit ingénieuses, perfectionnées, arriver à faire que la même somme serve à plus de transactions. C’est un progrès qui s’accomplit tous les jours, et qui a déjà été obtenu sur une très grande échelle depuis que les chemins de fer sont venus faciliter les communications ; autrement on ne s’expliquerait pas comment avec un tiers en plus de numéraire, fourni par les nouvelles mines d’or, on a pu réaliser un chiffre d’affaires triple ou quadruple de ce qu’il était il y a vingt ans ; il a donc fallu que la même somme servît davantage. Eh bien ! nous ne sommes qu’au début dans ce progrès. Aujourd’hui toutes les nations sont obligées d’avoir un stock métallique particulier, et cela parce que la monnaie qui circule sur les rives de la Tamise n’a pas cours sur celles de la Seine, du Rhin ou de la Vistule, et que chacun est obligé de garder ce qui est nécessaire à ses propres besoins. Ces stocks particuliers qui s’amassent ainsi dans chaque pays sont plus ou moins considérables suivant l’importance des transactions et le degré de civilisation ; mais, réunis, ils le sont toujours plus que le serait un stock unique qui ferait les affaires de tout le monde et qui circulerait aussi bien en Russie, en Allemagne qu’en France et en Angleterre. Il est évident qu’il y aurait là une grande simplification et la possibilité d’une grande économie. Qu’on nous permette une comparaison. Les compagnies qui administrent les chemins de fer en France et en Europe sont différentes et assez nombreuses ; cependant elles se sont entendues pour avoir des rails et des voitures de même dimension, de façon que le matériel de l’une pût circuler facilement sur la ligne de l’autre. Il en