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tiennent à la monnaie internationale, ne doivent plus avoir qu’un désir, celui de réaliser le meilleur système d’unité possible.

Or, à ce point de vue, il ne peut y avoir de comparaison entre la pièce de 25 francs et la pièce de 10 fr. La première n’est qu’une transition, la seconde est la solution définitive. Plus on y réfléchit, plus on est frappé de la nécessité de cette solution ; dernièrement, dans le parlement douanier de la confédération de l’Allemagne du nord, à propos d’une pétition qui avait été envoyée par les chambres de commerce et qui demandait la réforme monétaire, on a décidé que cette réforme devait avoir lieu et prendre pour base la division décimale. En Hollande, le président de la Société de statistique internationale vient d’écrire à l’Académie des Sciences de notre pays que désormais tous les calculs s’appuieront sur le système métrique et sur le système français comme mesure et comme monnaie. Tout contribue donc à faire préférer la pièce de 10 francs : la notoriété dont elle jouit déjà dans une grande partie de l’Europe, la tendance de tous les peuples vers le système décimal, enfin la possibilité qu’elle donne plus qu’aucune autre de ménager la transition.

Il est tout naturel qu’on fasse tous les efforts possibles pour attirer les Anglais vers l’unité monétaire ; c’est la première nation commerçante du monde, celle qui a les relations les plus étendues ; l’unité serait loin d’être faite, si elle ne l’avait pas pour adhérente. Cependant il ne faut pas non plus s’exagérer les choses et croire que tout est impossible, si l’on n’a pas son assentiment préalable. Les Anglais ne trafiquent pas seulement avec l’Orient et l’Asie, qui connaissent et apprécient particulièrement la livre sterling ; ils ont aussi des rapports importans avec le continent européen, et s’il leur est démontré que le continent n’adoptera jamais leur livre sterling, qu’il a des tendances à se rapprocher du système français et surtout du système décimal, que déjà un nombre considérable de nations le pratiquent et ne s’en départiront pas, ils finiront bien par céder. Les Anglais ne résistent jamais à ce qui est leur intérêt. Ils ont combattu l’idée du percement de l’isthme de Suez tant qu’elle a été à l’état de projet, tant qu’ils ont pu croire qu’elle ne s’exécuterait pas, que leur opposition y mettrait obstacle ; il leur était désagréable d’abandonner l’ancienne route du cap de Bonne-Espérance, où ils avaient tant d’avantages, et d’entrer en compétition avec d’autres peuples qui seraient plus rapprochés qu’eux de la voie nouvelle ; mais lorsqu’ils ont vu que l’œuvre s’accomplissait malgré tout, que cette voie allait bientôt s’ouvrir, et que, s’ils n’étaient pas en mesure d’en profiter, ils seraient bien vite distancés pour le commerce de l’Inde et de la Chine par les autres nations du bassin de la Méditerranée, leur opposition a cessé, et aujourd’hui ils sont tout prête à