Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont inspiré au législateur les dispositions par lesquelles il règle l’emploi du temps et indique quelles occupations seront permises aux paysans de la frontière.

Les métiers qui ne sont qu’un simple travail auxiliaire dans une exploitation agricole, comme par exemple ceux de charpentier, de forgeron, de maréchal-ferrant, peuvent être exercés par le Gränzer, pourvu que les intérêts de la communauté n’en souffrent pas. Quant aux métiers que la loi qualifie de métiers de corporation, et qui sont, comme celui de tailleur, un moyen principal d’existence, ceux-là seuls peuvent s’y adonner qui, fils de soldats, sont impropres au service par suite de quelque infirmité. Cependant, comme l’exercice de certaines professions manuelles est indispensable dans toute contrée agricole et que l’on n’aurait pas toujours assez d’infirmes, des enfans bien conformés peuvent exceptionnellement être autorisés à apprendre ces métiers, à s’y vouer d’une manière exclusive; mais on aura soin de les choisir dans les familles nombreuses et pauvres, et ils devront s’engager à s’établir dans les confins.

Pour ce qui est du commerce, les Gränzer ont la faculté de vendre et d’acheter des bestiaux et des coupes de bois; mais ils doivent se munir à cet effet d’une licence spéciale et personnelle qui leur est délivrée non par le capitaine de la compagnie, mais par les autorités supérieures du régiment. Dans le voisinage des forteresses et aux endroits de passage les plus fréquentés, les habitans des confins peuvent échanger avec les sujets du sultan des produits bruts contre des marchandises confectionnées; mais ces relations se réduisent naturellement à fort peu de chose. A cela près, tout échange de produits bruts contre des marchandises ouvrées est strictement interdit. On veut éviter ainsi que le paysan ne se défasse trop aisément de son bétail et de ses récoltes; on veut que les ménages conservent l’habitude de tanner eux-mêmes le cuir et de filer la laine de leurs troupeaux, de tisser leur chanvre et leur lin. Il semble que les confins soient comme une île entourée par une mer infranchissable, et dont les habitans doivent à tout prix suffire eux-mêmes à tous leurs besoins. — Mais, dira-t-on, tout ce qui gêne et restreint ainsi les échanges appauvrit le pays. — Sans doute, et qui pourrait songer à le nier? Les Lycurgues de cette Sparte moderne, de cette Laconie autrichienne, n’ont pas voulu que leurs soldats laboureurs arrivassent jamais à l’aisance. Une population enrichie par le travail et l’épargne supporterait-elle, ne fût-ce qu’un an, toutes ces contraintes, le poids écrasant de tous ces règlemens?

Certains enfans se font remarquer dans les écoles, toutes placées sous la surveillance des officiers, que renferment les principaux villages. On s’imaginera peut-être qu’il leur sera permis en pareil