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encouragement au renouvellement de cette fraude. — Il n’en serait plus de même aujourd’hui. Les métaux précieux, comme instrument d’échange, sont aussi nécessaires, plus nécessaires peut-être qu’au moyen âge, mais ils ne le sont plus autant sous la forme monnayée. La facilité des transports, la rapidité des communications ont permis d’y suppléer par le lingot lui-même ; celui-ci est parfaitement reçu dans les échanges internationaux, surtout lorsqu’il s’agit de gros paiemens ; on le préfère même à la monnaie, parce qu’il est plus facile à expédier et qu’il a toujours un poids plus exact. On peut encore, pour la circulation intérieure, faire un usage combiné du lingot et du papier. On n’a qu’à déposer le premier dans une banque ou un établissement public, comme autrefois à Hambourg ou Amsterdam, se faire délivrer des récépissés de dépôt et les diviser en autant de coupures qu’on le voudra ; ils feront exactement l’office de monnaie. Ce moyen, imaginé déjà au moyen âge pour se mettre à l’abri des falsifications monétaires, pourrait être singulièrement développé aujourd’hui. Par conséquent l’usage du lingot et la possibilité qu’on aurait de l’étendre est un frein pour empêcher les abus ou les fraudes du monnayage. Les gouvernemens ont beau, comme au moyen âge, avoir le monopole de la fabrication, il ne leur est plus possible de dépasser une certaine limite dans le droit à exiger, sous peine d’être frustrés dans leur attente et d’aboutir à ce résultat, qu’on se passerait, dans une certaine mesure, sinon complètement, de leurs services. Ajoutez à cela les ressources du crédit sous ses diverses formes, et ici nous ne parlons pas des systèmes chimériques, plus ou moins ingénieux, mais de ceux qui ont pour base la garantie de l’encaisse métallique. On voit que la situation est tout autre qu’autrefois. Le seigneuriage aujourd’hui doit se borner à représenter les services que rend la monnaie comparativement au lingot.

Un homme très considérable en Angleterre, qui a occupé et occupe encore des positions très importantes dans la politique et dans les affaires, M. Goschen, interrogé devant la commission d’enquête sur l’effet du droit de 1 pour 100, correspondant à une réduction de 2 pence dans le poids de la livre sterling, répondit que dans son opinion la compensation n’existerait pas, et qu’on arriverait à se passer de la monnaie ; il indiquait comme moyens l’introduction du papier de banque dans les pays qui ne le connaissent pas encore ou qui ne le connaissent qu’imparfaitement, la multiplication des clearing-houses, de ces établissemens où les transactions les plus importantes se soldent à peu près sans numéraire. « Et alors, disait-il, la monnaie étant moins demandée, devenant ti’op abondante par rapport aux besoins, il serait impossible de lui faire payer le droit qu’on se propose d’établir. » Il ajoutait aussi que, malgré son