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II

Ceci dit sur l’objection de droit, voyons maintenant le côté économique de la question. Le seigneuriage, ou le droit de 1 pour 100 n’est-il pas trop élevé pour être compensé par la plus-value dont on parle ? Il est certain qu’en principe le droit de fabrication doit ajouter à la valeur de la monnaie. C’est comme une étoffe qui vient d’être convertie en vêtement ; elle vaut plus sous cette forme parce qu’elle répond à des besoins qu’elle ne satisfaisait pas auparavant. Le lingot fabriqué en monnaie acquiert une utilité qui doit se traduire par une augmentation de valeur. Tous les économistes à peu près sont d’accord sur ce point, et il y en a un, M. Stuart Mill, qui a illustré ce principe par un exemple qu’il est bon de citer. « Supposez, dit-il, que le gouvernement ouvre une boutique où, sur la remise d’une certaine quantité d’étoffes, il délivrerait, sans aucune retenue, la même quantité confectionnée en vêtemens, le vêtement ne vaudrait pas plus sur le marché que l’étoffe. Il en serait autrement le jour où il ferait payer les frais de fabrication. » De même pour la monnaie comparée au lingot.

Mais, si on est d’accord sur le principe, on ne l’est pas sur les conséquences. Il est des économistes qui distinguent dans ce qu’on appelle le seigneuriage deux choses qui s’y trouvent en effet : d’abord la part relative aux frais réels de fabrication, ensuite celle qui est prélevée par l’état à titre de droit du seigneur, ce qui explique le mot de seigneuriage. Ils admettent bien qu’on puisse exiger le montant des frais réels de fabrication, car en définitive le monnayage est un service rendu, et l’état n’est pas tenu plus que les particuliers de le rendre gratuitement ; ils reconnaissent que la plus-value pourra être proportionnelle à ces frais, c’est ici une question de mesure, et comme maintenant, grâce aux progrès de la science et au perfectionnement des machines, on arrive à fabriquer la monnaie à très bon compte, à 1/5 ou 1/4 pour 100 de dépense, on comprend qu’il ’n’y ait pas lien de s’en préoccuper beaucoup ; mais ils ne veulent pas de cette autre part, qui constituerait un impôt, et qui dans le système de M. Lowe serait considérable, s’élèverait à plus de 3/4 pour 100. Ils voient là une exaction, un souvenir des temps passés, et ils n’admettent pas qu’il puisse jamais y avoir dans la plus-value de la monnaie une compensation équivalente. C’est la théorie qui semble avoir le plus de faveur aujourd’hui, précisément parce qu’elle s’écarte davantage des pratiques d’autrefois. Il est cependant d’autres économistes, et parmi eux des plus autorisés, tels que MM. Smith et Ricardo, qui croient que le seigneuriage peut