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du bruit, le désir de paraître plutôt que d’être, l’absence de suite et de sincérité dans certaines études, l’impatience d’arriver, l’envie de jouir de tout ce que nous avons vu, qui nous fait reprendre successivement les modes de nos pères et passer naïvement sans parti-pris des Grecs aux Romains, aux Étrusques, aux Égyptiens, aux Assyriens, aux Arabes, aux Persans, à l’extrême Orient, — voilà autant de raisons de l’inquiétude, de la mobilité de notre goût. Nous ne craignons pas de rire aujourd’hui de celui de 1830. À cette époque, tout était à refaire. Qui nous dit que nos successeurs ne nous rendront pas la pareille en nous jugeant puérils ? Nous pensons être dans la direction d’une route nouvelle ; mais à peine sommes-nous entrés sur la voie que nous voulons frayer. Les croyances sont ébranlées, le goût est isolé. Le lien commun qui fait l’art collectif d’une nation n’est pas trouvé, ou du moins n’a pas encore été appliqué et serré. On est forcé d’avouer que nous allons presque à tâtons.

Pourtant un mouvement démocratique désormais sensible résoudra peut-être le problème d’élever par l’éducation leniveau.de l’intelligence dans les classes inférieures. Faut-il s’en effrayer ou s’en défendre ? Il faut porter secours aux défaillans. Quand nous aurons tous acquis notre force d’initiative avec une pensée commune, nous aurons un goût nouveau. Cela s’est déjà vu chez nous au XIIe et au XIIIe siècle, au moment où s’affirma notre nationalité sortant du chaos féodal. Il appartient aux hommes de bonne volonté, en quelque camp qu’ils soient placés, d’aider à ce mouvement. La commission nommée pour traduire le sentiment du congrès a fait ressortir ce qu’il y a de mobile dans la production contemporaine. Elle a attribué cette mobilité à l’intervention des machines, à l’extrême bon marché des produits, au goût défectueux du public, moins préoccupé le plus souvent de l’exécution de l’ensemble que du fini des détails. Sa conclusion exprime le souhait de voir les notions d’art se populariser par uns éducation générale et complète. Or il existe dans les pays voisins du nôtre, en Allemagne notamment, des livres qui résument ces connaissances essentielles pour tous. En France, nous n’en avons guère sous la forme qui conviendrait. Il ne suffit pas qu’un livre de cette sorte soit simplement écrit, qu’il parle clairement à l’intelligence ; il est bon qu’il dise aussi quelque chose au regard, qu’il soit égayé de bonnes et fermes gravures. La Grammaire des arts du dessin, par M. Charles Blanc, pourrait répondre au programme ; mais c’est un volume compacte, une édition de luxe. L’auteur devrait en exprimer la substance, la condenser en quelques pages, et mettre ainsi à la portée de tant de personnes qui la réclament une forte nourriture. M. Galichon, un des principaux