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pour se prononcer que les années aient passé par-dessus en les respectant.

Quant aux meubles, il y en avait de toute façon, depuis les sièges en joncs ou en imitation de bambous, depuis les lits en bois de couleur tendre, jusqu’à ces tables de travail surchargées de bronzes de style soi-disant égyptien qui signalèrent le premier empire. La marqueterie de bois ou d’écaille n’était pas rare, non plus que les panneaux de peintures mates ou brillantes adoptés comme décorations. Un fabricant a imaginé de représenter sur des porcelaines ajustées à un buffet toute une série de paysages qui ne l’embellissent guère. En plusieurs endroits, la nature des matériaux est aussi mesquine que faire se peut. La teinte générale du bois est déguisée sous d’autres teintes rehaussées par des applications de filets de rouge et de vert. Quelques-uns des meubles cependant sont sobres et sévères, notamment une magnifique bibliothèque aux formes arrondies pour laquelle on a ménagé l’ornementation et scrupuleusement conservé l’aspect du bois. Plusieurs sont remarquables par les lignes, l’ordonnance, l’exécution ; seulement ils arrivent à être cotés si cher qu’on ne sait vraiment où peut s’en trouver l’emploi. Un prie-Dieu, digne au moins de recevoir sur ses coussins de velours les genoux d’un cardinal, était surmonté d’un calvaire de bronze. Le Christ expirait entre deux misérables sur une croix, après être né sur la paille d’une étable. Je me suis enquis de ce qu’on vendait ce meuble, qui ne convient guère qu’à des prières de luxe. On m’a parlé de 9,000 francs.


II

Nous avons essayé de reproduire fidèlement le tableau que les exposans de l’Union centrale mettent depuis plusieurs mois sous les yeux du public, qui ne se lasse pas. C’est sous l’inspiration et sous le patronage de la même association qu’à la fin de septembre et aux premiers jours d’octobre se tenait au palais des Champs-Élysées un congrès pour l’avancement des arts utiles. Autour d’une table à tapis vert avaient pris place des hommes presque tous voués, par profession ou par goût, à la recherche de ce qui intéresse en fait d’art l’éducation publique. Tous les peuples étaient représentés, Anglais, Allemands du nord et du midi, Russes, Italiens, Belges, Français, de façon à montrer qu’on se proposait de s’élever au-dessus des étroites questions de clocher et de frontières. Le patriotisme d’aujourd’hui consiste non plus à édifier son bien-être sur la ruine du voisin, mais à contribuer d’un même cœur et d’un même élan au progrès ou au bonheur de tous. Les intérêts des diverses