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qui n’est que du renouveau, mais du renouveau bien préférable à plus d’une innovation réelle.

Si rassurante que soit cette recrudescence de faveur pour une des branches de la céramique, les faïences n’échappent point à certaines tendances fâcheuses qui ne sont souvent que des réminiscences, qui s’accusent par l’exécution de soi-disant chefs-d’œuvre, de tours de force sans raison comme sans usage. Tels sont les fameux violons de faïence, le rêve, non des luthiers, mais des faïenciers. Ici tout est en terre vernie, depuis le corps de l’instrument jusqu’au chevalet qui soutient les cordes. On a sur ce dernier point admis que les cordes seraient en boyaux. Sans doute à la prochaine exposition verrons-nous des cordes en faïence. On a déjà fait pour les oiseaux des cages à barreaux de faïence qui résisteraient à peine à un coup de bec du prisonnier. Ce sont, dit-on, fantaisies d’artistes ; oui, d’artistes inoccupés et songe-creux, à moins que cela ne réponde à quelque caprice d’amateur à la recherche de l’étrange. Bien différentes sont les faïences de M. Deck, œuvres blondes, claires, élégantes, nacrées, agréables aux yeux, véritables œuvres d’art, comme tout ce qui est fait de façon excellente, de main d’ouvrier, quand l’ouvrier sait son métier d’artiste. Des chasses, des sujets japonais, des ornemens persans, des portraits qui seraient d’un grand effet encastrés dans un édifice, attirent les regards aux vitrines de M. Deck. Des enfans peints par Anker offrent de petites scènes pleines de gaîté, d’un arrangement facile et gracieux.

Des objets de dimension restreinte passons aux ameublemens, salons à nombreux miroirs de Venise sans autre bordure que leurs biseaux, à glaces resplendissantes dans leur cadre de bois doré, à cheminées de beaux marbres sculptés, garnis de divans où chaque place, — raffinement plus ingénieux que commode, — est séparée par un jardinet de fleurs artificielles ; ici des broderies à grands dessins largement esquissés, plus loin les tapisseries. Ces tapisseries sont une innovation. Les couleurs diverses, fort harmonieusement, trop harmonieusement fondues pour des tapisseries réelles, ne sont pas tissées, elles sont peintes. Les plus anciennes comme les plus nouvelles, les plus éclatantes autant que les plus déteintes, les plus légères autant que les plus sombres, sont rendues de manière à tromper, même de près, grâce au choix d’une étoffe à gros grain, une sorte de velours à côtes ou de drap sur lequel la teinte est appliquée liquide. Le procédé est de l’invention de M. Guichard. Il ne nous paraît pas avoir dit son dernier mot. Telles qu’elles s’offrent aujourd’hui, ces tentures peuvent, dit-on, se laver, et résistent aux divers agens atmosphériques. Il est prudent toutefois d’attendre