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enrichie de paillettes adorent un enfant Jésus qui a l’air d’être en cire ou en sucre, couché sur de la paille vraie, dans une étable peinte en décoration. Plus d’expression forte ou naïve dans ces martyrs au teint de lis et de rose, aux yeux cernés et languissans, dans ces vierges aux couronnes de perles fausses, dans ces sacrés cœurs sanglans, ces chemins de croix outrageusement revêtus de toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Pourtant les églises où cela figurera au milieu de l’illumination des cierges resteront longtemps encore les seuls musées des pauvres gens.

D’assez nombreuses vitrines étaient réservées à des travaux qui passent pour venir des pays étrangers. Un industriel exhibait des châles de l’Inde manufacturés en France. Grandes et belles pièces d’étoffes dont les bordures au moins semblent visiblement rapportées, ces châles, si l’on en croit les explications données aux visiteurs, sont exécutés par plusieurs centaines de navettes passant et repassant sur un étroit espace. Nous ne nous rendons pas compte du gain que peut procurer, au prix où est la main-d’œuvre dans notre pays, une opération aussi servilement calquée sur la fabrication orientale. Le tisseur de l’Inde, vivant à peu près en plein air sous un ciel clément qui n’exige pas constamment de l’homme une grande réparation de ses forces, peut se contenter d’une poignée de riz pour sa nourriture. Les nécessités de l’artisan chez nous sont tout autres. Il faut alors que l’outillage des machines regagne en vitesse ce que nous perdons en économie du salaire.

Un des pavillons nous offrait des produits de l’Orient. Ce n’était pas sans doute à titre d’œuvres exotiques qu’on les avait exposés ; ils sont français et bien français. Toutefois ils répudient nettement leur patrie d’origine. Nous confectionnons des étoffes de laine, des soieries, des tapis, puis des coupes, des miroirs, des éventails, des pantoufles, des selles brodées, des services à café enluminés d’émaux artificiels, des pipes, des narghilés ; nous imitons jusqu’à la grossièreté du travail que quelques amateurs vont prisant si haut. Les incrédules ne le sauraient nier, ils se procureront sans aller les chercher bien loin la plupart de ces articles de pacotille. Dans les bazars qui sont établis à Paris, comme dans ceux de Constantinople, de Smyrne et du Caire, vous trouverez quantité de pièces que vous pourrez vous figurer ouvrées dans les régions du soleil. Tel voyageur ami de ce luxe de clinquant qui pense avoir trouvé là-bas quelque rare merveille rapporte tout bonnement une production éclose sous notre climat brumeux, et étale avec complaisance dans ses collections une aiguière, une broderie, une arme « retour d’Orient. »

Les émaux, la céramique de toute nature et de toute façon tenaient une place notable au Palais de l’Industrie. De magnifiques