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statues, les vases, les lampes de bronze, coûtent cher ; nous aurons le simili-bronze, la fonte de métal inférieur recouverte d’une couche de cuivre ; nous aurons le simili-marbre de stuc ou de carton-pierre, le simili-pierre de terre cuite et de carton-pâte, la fausse terre cuite en plâtre.

Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis vent avoir des pages,


faisait remarquer La Fontaine. Que dirait aujourd’hui le fabuliste ? Nous avons gagné sur certains points ; mais que de défaillances du goût cette exposition ne montre-t-elle pas cependant ! Ici la matière a honte d’elle-même ; voici le règne et le royaume du clinquant, la fonte s’habille en fer, le zinc s’habille en bronze, le cuivre en or, le bronze d’aluminium joue le vermeil, même quand il s’agit de vases d’église. Et tant de gemmes et de diamans qui ne sont que du verre coloré ! Vous vous avancez près des tapis, sont-ce des tapis ? Triomphe de l’industrie, tout est illusion, ces tapis sont un nouveau genre de peinture sur drap. Vous admirez de belles pièces de céramique ; vous vous êtes trompé, c’est de la pseudo-céramique. Des palmiers végètent sur le sol de l’exposition, étendant au soleil leurs larges feuilles. N’approchez pas, ce sont de faux palmiers en pseudo - fer-blanc. Tout cela sort du bon naturel et témoigne de trop d’artifice. Il faut accuser la matière de chaque objet. Voyez l’édifice qui renferme tous ces déguisemens. Un de ses mérites, c’est d’avouer hautement les élémens qui le composent. La pierre, le fer et le cristal y sont présentés pour ce qu’ils valent et pour ce qu’ils sont.

Afin d’arrêter l’art industriel sur cette pente fâcheuse, l’Union centrale a déjà exercé une influence des plus heureuses. Les débuts pourtant furent modestes. Je me rappelle avoir assisté à l’une des séances qui précédèrent la fondation. On en était encore aux espérances, aux indécisions, aux tâtonnemens. Rien ne faisait prévoir de quel pas rapide ce groupe d’hommes liés par la communauté d’une pensée utile se fraierait la route déjà parcourue. M. Guichard, un architecte-décorateur de mérite, et qui est resté depuis à la tête du mouvement, fut dès l’origine chargé de le diriger. Ce qu’on voulait, c’est, dans la lutte d’art et d’industrie que nous soutenons contre l’étranger, garder un rang qui nous est disputé, — s’il se peut même, — et c’est une bien grande ambition, — gagner quelque peu de terrain. Il n’avait été que trop facile de s’apercevoir que nos rivaux de l’autre côté de la Manche sont plus puissamment outillés que nous, et en outre mieux secondés, car ils