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nombreux appels à ceux qui devaient concourir à cette œuvre ; mais les exposans sont gens peu pressés de leur naturel, et après une première remise il fallut se décider à célébrer la fête d’inauguration, le 10 août 1869, avant que tous les préparatifs ne fussent terminés. Cette première journée n’en fut pas moins intéressante. On pouvait croire qu’il n’y aurait là qu’une assemblée restreinte, pour ainsi dire intime, car on n’était admis que sur carte d’invitation. La fête avait au contraire une sorte de simplicité solennelle. Rien d’officiel : point de personnages en uniforme brodé ; ni galons, ni écharpes, ni discours ; seulement quelques sergens de ville se promenaient çà et là sans avoir l’air de songer à mal, ni de faire une police dont il n’était pas besoin. La brigade volante des gardiens de nos musées suffisait à cet effet, tandis que les pompiers veillaient d’autre part pour la conservation des trésors placés sous leur sauvegarde. Si toute pompe théâtrale était proscrite, le coup d’œil était néanmoins gai, brillant et pittoresque. La foule se pressait au rez-de-chaussée et au premier étage. Les fondateurs de la société, les exposans, les amis des exposans, étaient accourus, puis des collégiens ou des élèves des écoles. Ils voulaient, eux aussi, voir et juger les dessins de leurs concurrens de province. Les frères de la doctrine chrétienne, les prêtres, même ceux du rite oriental, avec leurs moustaches et leurs grandes barbes, se montraient en nombre. Toutes choses d’ailleurs étaient loin d’être prêtes. Des ouvriers achevaient de poser des tentures ; d’autres peignaient, d’autres vernissaient. On déballait, on construisait, et les marteaux allaient leur train. Il n’est pas jusqu’à l’administration, — nous ne voudrions pas cependant la rendre responsable de ce retard, elle ne pouvait précéder ses cliens, — qui n’eût attendu au dernier moment pour jeter sur le sol l’uniforme tapis de sable que devaient fouler les passans. Pas d’eau courante dans cet espace sec et brûlé où s’élevaient de petits nuages de poussière.

L’ensemble était agréable à voir. Le milieu de la nef était décoré d’une estrade ornée de bustes de statues antiques et de quelques statuettes d’artistes modernes. On y avait placé un orchestre qui jouait incessamment des morceaux d’opéras connus, alternant avec la musique d’un orgue de la galerie du rez-de-chaussée. Tout ce rez-de-chaussée était occupé par des centaines de vitrines en tête desquelles se lisaient les noms des principaux chefs d’industrie d’art français. Il était entouré d’une quantité de magasins arrangés en partie d’une manière uniforme, en partie suivant le goût particulier de ceux qui en disposaient. Les salles étaient naturellement divisées par les travées des colonnes de fonte qui supportent la colossale charpente de l’édifice. Là resplendissaient les produits les