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excédans » (Ueberland). Les biens de fondation forment le véritable avoir patrimonial de chaque famille : ils ne peuvent jamais être diminués ni partagés. Chacune de ces parts doit comprendre, outre l’habitation et les bâtimens qui en dépendent, des terres arables d’une certaine étendue. Les biens qui représentent l’excédant peuvent au contraire être aliénés ou vendus. Le Stammgut n’est aliénable que dans un seul cas : lorsqu’une famille s’est éteinte ou qu’elle a perdu assez de ses membres pour ne plus suffire à l’exploitation de tous les lots qu’elle possède, une autre famille peut acquérir les biens qui risqueraient d’être négligés et laissés improductifs; il faut seulement qu’elle soit en mesure de fournir un nombre d’hommes en rapport avec celui des parts qu’elle détient. On n’en arrive d’ailleurs à ces aliénations qu’à la dernière extrémité; autant que possible, l’administration militaire cherche à éviter ces mutations. Ainsi, lorsque, pour cause de maladie ou d’absence prolongée des hommes valides, une famille ne se trouve pas en mesure de faire les semailles ou la moisson, l’officier intervient pour forcer les gens du village à prêter gratuitement leur concours. Si cette incapacité doit durer quelque temps, la famille est autorisée à affermer en tout ou en partie son patrimoine. Enfin, si on ne voit pas la fin de cette situation et que le ménage possède plus d’un quart de lot, il obtient la permission d’engager ou d’aliéner ce surplus; mais il doit toujours garder ce minimum d’un quart de lot. En dehors de ce cas, prévu par la loi, il est interdit de donner à ferme ou d’hypothéquer des biens patrimoniaux. Tout ce que la loi permet au cultivateur, s’il se trouve en un pressant besoin d’argent, c’est d’engager le tiers de ses récoltes sur pied : on n’a ainsi que des emprunts qui ne peuvent grever longtemps la terre, qui s’éteindront avec la moisson prochaine.

Quant aux biens excédans, on peut en disposer moyennant une autorisation qui d’ordinaire n’est pas refusée. Dans toutes ces transactions, il faut en référer, par l’intermédiaire du capitaine, à l’état-major du régiment. L’autorité s’ingère ainsi dans tous les actes de l’administration agricole. Veut-on transformer un champ en prairie, un pré en une terre labourée, on doit signaler le fait à la compagnie, qui le mentionne sur son protocole et en avertit le régiment; celui-ci l’inscrit à son tour sur le registre foncier. La plantation d’une vigne ne peut avoir lieu sans la permission du colonel, et, pour obtenir cette permission, le pétitionnaire doit avoir défriché et labouré un terrain vague égal en étendue à celui où il veut récolter du vin; à défaut de cette compensation, il doit prouver que le sol ne convient ni pour blé ni pour prairie. Celui qui aurait omis ces formalités risque d’être frappé d’une amende, de plus il peut être forcé d’arracher sa vigne.