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compagnie américaine qui, pour le soulagement des voyageurs d’Europe, ne ferait pas mal d’établir des succursales chez nous. Une demi-heure avant notre arrivée, un monsieur entra dans le wagon. Je le vis adresser la parole à plusieurs voyageurs, prendre des notes sur un carnet qu’il tenait à la main et délivrer des bulletins qu’il en détachait après y avoir tracé quelques mots. Enfin ce fut mon tour. « Vous allez à Sacramento ? me demanda-t-il. — Oui. — Vous avez des bagages ? — Oui. — A quel hôtel descendez-vous ? » Je désignai l’hôtel qu’on m’avait indiqué. « Eh bien ! reprit-il, je me charge d’y faire transporter vos bagages, si vous voulez me donner votre luggage-ticket. » On ne délivre pas de bulletins de bagages imprimés en Amérique. Un employé attache à chaque malle une petite plaque en cuivre suspendue à une double lanière en cuir et portant un numéro d’ordre. Il remet au voyageur une autre plaque avec numéro correspondant et indiquant en même temps le nombre des colis enregistrés. C’est un mode d’expédition beaucoup plus simple et plus rapide que le nôtre, et il offre, autant que j’ai pu en juger, les mêmes garanties de sûreté. Je me prêtai volontiers à l’arrangement proposé par mon interlocuteur, et je reçus de lui, en échange de mon jeton de bagages, un bulletin imprimé de l’Express-Company, donnant reçu de mes malles. Le même individu me délivra aussi un billet d’omnibus, te Vous, n’avez qu’à demander l’omnibus blanc n° 1, à droite de la sortie, et à y monter, dit-il ; il vous conduira à votre hôtel. » Après m’avoir donné ces instructions, l’employé me fit un compte fort raisonnable : 25 cents par malle et 50 cents pour une place d’omnibus, si je ne me trompe, et me quitta pour s’adresser à mon voisin. J’ai retrouvé les agens de l’Express-Company sur toutes les lignes américaines où j’ai voyagé, et je n’ai eu partout qu’à me louer de leur exactitude. Le cocher d’omnibus recevait chaque fois des instructions complètes et me conduisait à l’endroit où je voulais aller sans que j’eusse besoin de lui dire un mot ; quant à mes bagages, ils ne manquaient jamais d’arriver peu de temps après moi à l’hôtel. J’économisais de cette manière le temps qu’on perd d’ordinaire à dégager ses effets, et j’évitais du même coup les cochers de fiacre qui rançonnent en tout pays les étrangère.

Il faisait nuit lorsque nous arrivâmes à Sacramento. Nous traversâmes de longues et larges rues tirées au cordeau, se coupant, comme dans la plupart des villes américaines, à angles droits, éclairées au gaz, bordées çà et là de boutiques qui paraissaient assez bien garnies. La ville est grande et gagne tous les jours en importance ; parmi ses habitans, on rencontre les hommes les plus entreprenans et les plus riches de la Californie. Elle s’efforce de rivaliser