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l’innocence de Mercator et de la faire proclamer solennellement. Ces vexations ne l’avaient jamais empêché de continuer avec ardeur ses travaux géographiques, et ses publications, qui se succédaient coup sur coup, remplissaient le monde de sa renommée.

En émigrant de Louvain à Duisbourg, il avait aussi transporté dans sa nouvelle résidence sa fabrique d’instrumens mathématiques qui occupait ses fils, ses petits-fils et un assez grand nombre d’ouvriers. Les sphères célestes et les globes terrestres de Mercator étaient si beaux et si recherchés qu’il ne pouvait satisfaire à temps aux nombreuses demandes qu’il recevait. Son ami Camérarius en achetait plusieurs chaque année pour les faire revendre aux foires de Francfort-sur-le-Mein, qui avaient lieu l’une au printemps, l’autre en automne. En même temps, Mercator composait, dessinait et gravait ses grandes cartes, qu’il accompagnait toujours de la description détaillée du pays qu’elles représentaient. Sous le titre de Géographie politique, il expose la constitution civile du pays, l’administration de la justice et l’organisation ecclésiastique, et ses renseignemens sont si complets, si exacts, que pendant longtemps ils ont servi de base à toutes les publications analogues. Sous la rubrique : Géographie mathématique, il coordonne les positions de lieux qu’il a pu se procurer, en comptant généralement les longitudes à partir du méridien de l’île de Fer, parce qu’il admet que c’est là que l’aiguille aimantée vise directement au nord. Les cours des rivières, les forêts, les montagnes et les plaines, les routes et les canaux sont décrits en troisième lieu sous le titre de Géographie physique. L’œuvre de Mercator embrasse donc tout ce qui est du ressort de la géographie, ce mot pris dans son acception la plus large, et nous ne le trouvons pas trop ambitieux lorsqu’il dit dans l’une de ses préfaces : « Je veux monter sur une haute échauguette de l’esprit et faire voir le monde comme dans un miroir. »

La volumineuse biographie de Mercator, qui vient d’être publiée par M. J. van Raemdonck, devra être considérée comme un précieux complément de l’histoire des sciences au XVIe siècle. Elle est remplie de détails curieux, et les moindres choses y sont appuyées sur des documens authentiques. On pourrait toutefois reprocher à l’auteur d’abuser des citations et de se départir trop rarement du langage d’un panégyriste qui veut découvrir dans les actes les plus ordinaires de son héros des traits de génie ou de grandeur d’âme. Cette admiration soutenue est certes fort excusable, mais cela fatigue le lecteur et le fait quelquefois sourire.


R. RADAU.


C. BULOZ.