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la faire dépendre ni d’un mot ni d’une forme, de tous ceux qui ne veulent, comme on l’a dit justement, ni des dictatures d’en haut, ni des dictatures d’en bas, qui sont convaincus qu’un pays ne marche point par des coups de théâtre, par des révolutions conduisant tout droit à des réactions nouvelles, qui croient enfin que la paix publique est la première condition et la garantie de tous les progrès. Ce parti, c’est le parti de la souveraineté nationale, incontestée désormais, respectée de tous les côtés, se manifestant régulièrement, légalement. Il y aura bien des nuances, il y aura des scissions et des divisions ; mais est-ce qu’il n’y a pas d’abord toute une situation à régulariser et à développer ? Est-ce qu’il n’y a pas à s’affermir sur le terrain conquis et à dégager les conséquences de ce qui a été fait ? N’y a-t-il pas, pour tout dire, à créer des conditions telles que la liberté ne soit pas le perpétuel enjeu des coups de force qui envahissent la politique.

C’est là l’œuvre première d’un parti sincèrement, sérieusement libéral ; et le gouvernement lui-même n’est-il pas intéressé à ce qu’un tel parti se forme, atteste sa vitalité et son ascendant ? C’est bon pour un instant de se dire spirituellement qu’on est une société d’assurances qui ne craint pas les sinistres, de se reposer dans un calme imperturbable sans paraître se douter de la gravité des choses. Avec cette provision d’optimisme et de sagesse au jour le jour, on ne va pas bien loin. Quelle est, à l’heure où nous sommes, la force relative du gouvernement ? C’est tout ce bruit révolutionnaire qui se fait, toute cette agitation radicale qui finit par intimider, par glacer les intérêts en propageant la crainte de perturbations nouvelles. C’est là la force la plus effective du gouvernement. Quelle est sa faiblesse réelle ? C’est qu’il n’y a point encore un parti organisé, actif, représentant ces idées libérales qui ont reçu une satisfaction encore incomplète, il est vrai, mais assez sérieuse pour qu’on puisse dire désormais que le reste est l’affaire du pays. Si le gouvernement gardait l’arrière-pensée de revenir sur ses pas, il pourrait se réjouir sans doute des violences des uns, qui lui font la partie si belle, et de l’absence d’une force libérale régulière propre à le contenir d’un autre côté ; mais il ne peut plus songer à un mouvement en arrière, et c’est le lendemain d’une victoire sur les révolutionnaires qu’il sentirait le plus sa faiblesse et son isolement, faute d’un parti assez puissant et assez éclairé pour rassurer tous les instincts libéraux. La première conséquence nécessaire de la réunion prochaine du corps législatif, c’est donc que le changement de politique qui s’est accompli prenne une forme saisissable aux yeux du pays, non-seulement par des projets de loi, chose toujours un peu abstraite, mais par une représentation plus visible de cet ordre nouveau. Quant à nous, nous considérerions comme un progrès, comme une garantie de la situation nouvelle, que dès l’ouverture du parlement il se formât un ministère composé de ceux qui ont déter-