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nouvelle de montrer ce qu’ils étaient capables de dire et de faire ; ils sont entrés en scène avec un furieux ensemble, de sorte que depuis quelques jours, sous prétexte de polémiques électorales et de réunions publiques, Paris a sous les yeux la parade révolutionnaire complète. Paris assiste au défilé fantasque de tous les écloppés de la politique, de tous les revenans, de tous les cerveaux creux, de toutes les vanités maladives se donnant comme la tête de la civilisation. L’exhibition est aussi variée qu’étourdissante ; elle réunit tous les types connus ou inconnus, et, par un effet naturel de cette fièvre à laquelle certains esprits ne résistent pas, il faut nécessairement aller de plus fort en plus fort. Que sont les élus de l’été dernier ? Ils ne comptent déjà plus. M. Gambetta lui-même est outragé ni plus ni moins que M. Jules Simon et M. Pelletan au boulevard de Clichy. M. Gambetta, l’irréconciliable de juin, passe pour un « réconcilié » en novembre, et on lui montre galamment le poing. Il faut des candidats plus parfaits. Au besoin, on ira les chercher dans l’émigration, à Londres, en Hollande ou en Belgique. Les plus vieux seront les plus neufs. Ceux qui crieront le plus haut seront les mieux écoutés ; ceux qui promettront la république pour demain passeront naturellement avant ceux qui ne la garantiront que pour après-demain. Hier encore on pouvait prêter serment, aujourd’hui ce n’est plus de mise, ce n’est plus bien porté parmi les militans du radicalisme ; pas de transaction, il faut sonner la trompette pour monter à l’assaut. Le gouvernement cependant ne dit rien, il sort à peine de sa quiétude par la voix de quelque commissaire de police égaré dans un club. La population paisible se demande avec étonnement ce que tout cela signifie ; et en fin de compte, si l’on n’y prend garde, Paris, la capitale de la France, la reine du monde, marche vers le ridicule le plus caractérisé et le plus triste que puisse encourir une ville intelligente et fière, celui de se laisser imposer une représentation dont la fleur est pour le moment un pamphlétaire qui personnifie la calembredaine radicale et socialiste devant les spectateurs ébahis des réunions populaires.

Tout n’est pas dit encore, nous en convenons ; le tour n’est pas fait ; il y a huit jours d’ici aux élections, et il n’est point impossible que la population parisienne, revenue de son ébahissement, saisie à la dernière heure d’une révolte de bon sens, ne déjoue tous les calculs. Il y a un peu partout des apparences significatives. M. Pouyer-Quertier, le vaincu de Rouen, trouve comme candidat des partisans dans la troisième circonscription de Paris. Il n’est plus question ici de liberté commerciale ou de protection. M. Pouyer-Quertier est évidemment adopté pour son indépendance et son importance de grand industriel, pour ses idées modérées, comme représentant le progrès politique sans révolution. Dans la quatrième circonscription, un avocat de talent et d’expérience, M. Allou, a montré du courage en allant aux réunions publiques, en maintenant l’autorité des opinions libérales au milieu de toutes les bruyantes