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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre 1869.

Il faut pourtant que ce grand pays de France, si prompt à s’enflammer, si facile à berner, sache bien où il en est et ce qu’on lui prépare. Rien au monde n’est mieux fait pour l’instruire que tout ce qui se passe à Paris depuis quelques semaines. C’est un spectacle rare, qui n’est point précisément tragique, quoiqu’il puisse le devenir, qui n’est pas tout à fait comique, quoiqu’il ne soit guère sérieux, qui ressemble à un rêve lamentable et grotesque, quelque chose comme une scène de Callot avec des enluminures modernes.

Nous avions devant nous une échéance fixe, le 29 novembre, jour où le corps législatif doit se réunir pour rentrer en pleine possession des droits qui lui ont été rendus. Que cette convocation des chambres eût été tardivement décidée, soit par un faux calcul ministériel, soit plus probablement par suite de la maladie de l’empereur, peu importait pour le moment. La date n’était pas moins acquise. Là, en plein parlement, toutes les opinions pouvaient se donner rendez-vous avec la garantie désormais certaine d’une discussion libre. Toutes les questions qui agitent le pays devaient être naturellement reprises avec la chance d’être sérieusement débattues par une assemblée en goût d’indépendance. C’était l’épreuve inévitable et prochaine du régime nouveau ; mais il fallait d’abord arriver au 29 novembre. Comment passer ces quelques jours ? La manifestation du 26 octobre, après son fameux succès, était déjà tombée dans un oubli aussi profond que mérité. Les nouvelles élections de Paris sont venues pour occuper l’attention ; elles ont été fixées au 21 novembre. Avant la grande pièce, la petite pièce. Le gouvernement, avec une perspicacité que nous ne prétendons pas méconnaître, a compté sans doute sur les irréconciliables de haut goût pour jouer son jeu et pour amuser le tapis ; il ne s’est pas trompé. Les irréconciliables n’ont pas manqué de se précipiter sur cette occasion