Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chef des forces militaires; celui-ci est subordonné à l’exécutif. L’un et l’autre peuvent être mis en accusation, même à la demande d’un simple citoyen. Si l’accusation est admise par la chambre des représentans, les inculpés sont jugés par le pouvoir judiciaire, qui est indépendant de tous les autres pouvoirs. « La chambre, dit textuellement le dernier article de la constitution, ne pourra attaquer ni les libertés des cultes, de la presse, de réunion pacifique et de pétition, ni aucun droit inaliénable du peuple. » Bien que cette constitution soit encore sans application effective, il nous a paru curieux de montrer quelles idées circulent parmi ces insurgés qui étaient encore des propriétaires d’esclaves il y a si peu de temps.

Aux termes de l’acte constitutionnel, Manuel de Cespedès fut proclamé président de la république naissante. On nomma aussi quatre ministres pour la guerre, les relations avec l’étranger, l’intérieur et les finances. Quesada devint généralissime en récompense de son dévoûment et de ses services. Les forces actives ont été dès lors distribuées en trois groupes qu’on appelle des armées. Nous n’avons aucun renseignement positif sur la force numérique des troupes de l’insurrection. Il est à croire qu’elle est assez considérable avec la facilité qu’elles ont de se recruter, non-seulement parmi les créoles de race blanche, les mulâtres et les noirs déjà libres, mais encore au milieu d’une population de plus de 600,000 esclaves nouvellement émancipés. Nous trouvons dans les journaux américains du mois de juillet que l’armée de l’indépendance comprenait 36,000 blancs, 30,000 noirs, mais qu’elle atteindrait bientôt un effectif de 80,000 combattans. À cette même date, l’outillage de guerre, sans être complet, était déjà respectable. Les canons de bois cerclés de fer qu’on avait improvisés au commencement de la lutte, et qui éclataient souvent au premier coup, n’étaient plus qu’un sujet de plaisanterie. On avait des fusils du nouveau type, de l’artillerie de campagne, même de gros calibre, et on estimait à 26,000 le nombre des soldats parfaitement armés. Les introductions d’armes, quoique très périlleuses, étaient incessantes. Il est probable qu’aujourd’hui les insurgés à qui manque le rifle ou le revolver forment l’exception. Le patriotisme local et les sympathies des pays voisins ont créé d’abondantes ressources. Aux États-Unis, la délivrance de Cuba est un vœu populaire. Ceux qu’on désigne encore par le nom de « flibustiers, » comme aux temps de Walker et de Lopez, sont en grande partie des amateurs yankees ou de nationalités diverses qui, pour porter des munitions aux Cubains et faire le coup de fusil en leur compagnie, s’exposent à être emprisonnés par leur gouvernement au départ, et fusillés à la minute lorsqu’ils sont surpris à l’arrivée par les croiseurs espagnols.

De la part des républiques sud-américaines, la sympathie pour les