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quantité de documens : copies de dépêches, d’ordres, de conventions et de traités; il y a surtout, en original, de nombreuses lettres des correspondans de Voltaire répondant aux infinies questions que celui-ci leur adressait après avoir lu leurs premiers messages, leurs notes et leurs mémoires. Plusieurs listes de pareilles questions sont quelquefois de la main bien reconnaissable de Voltaire, et devraient figurer dans toutes les éditions comme témoignages de son étude attentive.


« Charles XII, en quittant la Saxe, vouloit-il aller à Moscou? et ne rabattit-il dans l’Ukraine que faute de provisions, et parce que le csar avoit tout désolé sur la route?

« Est-il vray qu’il refusa d’abord l’alliance des Cosaques parce qu’il les crut des sujets rebelles au csar?

« Fut-ce M. le comte de Poniatosky qui força le roy de Suède de se retirer, et qui le mit à cheval après Pultava?

« Avec quelle sultanne M. le comte de Poniatosky fut-il en commerce de lettres à Constantinople?

« Qui voulut empoisonner M. le comte de Poniatosky, et pourquoi?

« Les Tartares vouloient-ils en effet livrer le roy de Suède à ses ennemis quand il refusa de partir de Bender?

« Où, quand et pourquoi le roy de Suède menaça-t-il deux chiaoux de les faire tuer, s’ils osoient luy rien proposer de contraire à sa dignité?

« La sultanne Validé avoit-elle quelque crédit? et l’employoit-elle pour le roy de Suède?

« Qui donna au sultan le mémoire que M. de Poniatosky dressa contre le grand-visir-Chourlouly? »


Nous pourrions multiplier ces citations, en présence desquelles nul ne peut contester que Voltaire ait pris au sérieux la tâche qu’il s’était imposée. Il préludait ainsi fort bien à son Siècle de Louis XIV. On ne doit pas médire de Voltaire historien. Il a, comme tel, mérité assurément des reproches. Certes on ne rencontre pas chez lui le calme et l’impartialité austères de la grande histoire; il est clair qu’il ne faut pas lui demander de juger équitablement le moyen âge chrétien. L’adoration de son époque pour les souverains, dépositaires d’une force que l’esprit du temps voulait faire servir, il est vrai, à de secrets desseins, il l’a trop acceptée; même il y a certains traits de notre génie politique qu’il paraît avoir imparfaitement saisis ou trop laissés dans l’ombre. Son Histoire du Parlement est des plus faibles, et les chapitres sur ha fronde dans son Siècle de Louis XIV sont loin de rendre un compte exact d’un grave épisode de notre histoire constitutionnelle. Voltaire accorde