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se trompait, et s’était découragée trop vite. Les plantations turques ont traversé heureusement les jours difficiles que leur ont faits les fluctuations des prix sur les places européennes; on y recueille des qualités qui jouissent auprès des filateurs d’une faveur croissante et méritée, et sont susceptibles de remplacer dans toutes les applications les belles espèces connues sous le nom de middling New-Orleans. Le Brésil, où de riches propriétaires avaient pris à cœur d’implanter le coton, n’a point lâché pied non plus. Les exportations n’ont pas baissé depuis 1865, elles ont plutôt augmenté. Malheureusement le Brésil ne fournit que des sortes fines, et celles-ci encombrent déjà le marché. L’Egypte, qui avait poussé l’engouement pour le coton jusqu’à ne plus récolter chez elle le blé qui lui est indispensable, a bien dû en rabattre, et s’arranger de manière à revenir à une production normale. Elle semble maintenant avoir retrouvé son équilibre, et concourt régulièrement pour sa part à l’approvisionnement général.

Il en est de même des Indes anglaises. Elles ont pris dans le commerce du coton une situation beaucoup plus modeste assurément que celle que rêvaient pour elles les publicistes de 1860; mais elles paraissent devoir s’y tenir avec fixité. Bien que l’exportation en Angleterre ait diminué depuis 1866, des renseignemens puisés aux meilleures sources permettent d’affirmer que la culture n’a pas langui, et que le surplus des récoltes a servi à alimenter soit la consommation intérieure, soit les échanges avec la Chine. Les Indes semblent avoir atteint précisément le maximum de production que comportent pour le moment leurs aptitudes, leur état de civilisation, leur climat. Elles donneront peut-être plus de coton quelque jour, quand on sera parvenu à établir un peu d’entente cordiale entre les propriétaires fonciers et les malheureux cultivateurs, quand on aura mis un terme au chaos administratif qui obscurcit toutes les questions relatives au régime de la terre. Nous ne demandons pas mieux que d’accueillir avec empressement ces pronostics à longue échéance. Qu’on nous accorde en revanche que bien longtemps encore l’Angleterre restera, pour ses approvisionnemens de coton, tributaire de la république américaine. Supposons résolues toutes les difficultés qui tiennent à la législation locale; resteraient encore celles qu’oppose le climat. La graine de coton ne porte fruit que huit mois après la mise en terre, et la cueillette finit quand les semailles commencent. C’est donc une année pleine qu’exige la récolte. Que de chances de perte pendant un si long laps de temps, sous un climat inégal, pour une plante délicate qui craint à la fois la chaleur, la sécheresse, l’excès d’humidité! Il n’en est pas moins vrai qu’il y a encore là pour les fabriques anglaises un secours qui ne laisse pas d’être utile.