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Dans la même année, six expéditions différentes s’organisèrent sous la conduite des ingénieurs Stevens, Mac Clellan, Saxton, Gunnison, Beckwith, Wipple, Williamson et Pope. Elles furent suivies en 1854 de trois autres expéditions, le congrès ayant alloué une nouvelle subvention de 190,000 dollars (950,000 fr.) pour achever les études commencées.

Dix routes différentes, situées entre les 32e et 49e parallèles et partant de points qui s’étendaient depuis Fulton (Arkansas) jusqu’à Saint-Paul (Minnesota) pour aboutir toutes à l’Océan-Pacifique, entre la baie de San-Diego (Basse-Californie) et Puget-Sound (territoire de Washington), furent ainsi simultanément étudiées. Les résultats de ces pénibles travaux, qui avaient coûté près de 2 millions de francs, ont été consignés dans un magnifique recueil, composé de treize volumes grand in-quarto, orné de cartes, de plans et de dessins, et formant au point de vue de l’histoire naturelle et de la topographie la base la plus sérieuse de connaissances sur l’intérieur de l’Amérique septentrionale. Les routes étudiées différaient en longueur de 1,533 à 2,290 milles; mais les divers explorateurs n’en concluaient pas moins à la possibilité de conduire un chemin de fer depuis le Mississipi jusqu’au Pacifique. C’était un grand pas de fait. L’entreprise, ainsi ébauchée, en resta là pendant une dizaine d’années. Le parti du sud, alors au pouvoir, représenté au département de la guerre par Jefferson Davis, prétendait choisir les tracés qui se rapprochaient le plus de ses territoires; le parti républicain de son côté, ne consultant aussi que ses intérêts, agissait dans le sens contraire, et pendant quelque temps on put croire que d’énormes dépenses de travail et d’argent avaient été faites en pure perte.

A mesure que les années s’écoulèrent, les raisons de mettre les deux océans en prompte communication devinrent de plus en plus pressantes. L’importance des états de l’ouest, de la Californie particulièrement, s’accrut de jour en jour. Dès 1861, on évaluait à 217 millions de francs le produit annuel des mines de métaux précieux exploitées dans les états du Pacifique[1], et des populations entières se précipitaient vers ces terres, qui semblaient dispenser la richesse à tout homme hardi et intelligent. Restait cette grave question de finances : qui allait fournir les premiers 125 millions jugés alors nécessaires pour faire le premier pas sur cette route dangereuse, c’est-à-dire pour franchir les plateaux de la Sierra-Nevada?

  1. La commission de statistique des États-Unis a évalué le rapport total de ces mines pour l’année 1867 à 375 millions de francs. La répartition s’opère ainsi qu’il suit : Californie 125 millions, Nevada 100, Montana 50, Colorado 50, Orégon et Washington 25, Idaho 25. Dans la même année, on a exporté de San-Francisco pour 241,824,620 francs d’argent tout monnayé. En 1866, l’exportation avait été de 20 millions plus forte.