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copiant les manuels destinés à l’enseignement spécial; chaque année fait éclore une foule de ces ouvrages soi-disant populaires, qui souvent sont plus difficiles à lire que les traités qui ont été mis à contribution. De temps à autre, on voit cependant de véritables savans descendre dans l’arène et vivifier l’enseignement par l’application des théories et des lois connues aux phénomènes qui nous entourent, qui se passent journellement sous nos yeux et sans notre concours. Ils nous apprennent à voir, à interpréter ce que nous voyons, à distinguer ce qui est bizarre et insolite de ce qui rentre dans l’ordre prévu. C’est ainsi que, d’aveugle qu’on était, on devient observateur; la nature semble se transformer autour de nous; les objets s’animent, tout nous intéresse, tout nous parle, tout devient source d’instruction.

Ces réflexions nous sont suggérées par la collection d’ouvrages populaires qui se publie en Allemagne sous le titre de Naturkräfte (les Forces naturelles). Les auteurs sont des savans qui eux-mêmes ont contribué à l’avancement des branches qu’ils se sont chargés de faire connaître aux gens du monde, et, à en juger par le volume que nous avons sous les yeux, ils s’entendent à dégager la science de l’aride attirail qui en éloigne la foule. M. Pisko nous initie aux phénomènes de la lumière; il serait difficile de présenter avec plus de charme et plus d’entrain une doctrine dont les abords semblent hérissés d’obstacles. L’auteur a su faire alterner les détails historiques et les applications usuelles avec l’exposé des faits d’observation et d’expérience sur lesquels repose la théorie de la lumière. Il nous montre comment, d’effort en effort, d’étape en étape, la science a marché à travers les âges pour arriver aux merveilles qu’elle réalise aujourd’hui, comment peu à peu la part de l’aveugle hasard est restreinte et diminuée, à mesure que le nombre des chercheurs s’accroît et que leur pas s’affermit. L’histoire des grandes découvertes en optique, depuis Archimède jusqu’à Newton et ses successeurs, est peut-être ce qu’il y a de plus intéressant et de plus instructif dans toute la physique, M. Pisko a réuni sur ce sujet si varié des détails fort curieux et dont quelques-uns sont peu connus ; il a exposé toutes les applications utiles en s’attachant à en faire comprendre le principe], et son livre révèle à la fois un savoir solide et un remarquable talent d’écrivain. C’est là un début des plus heureux, et qui fait bien augurer des volumes qui nous sont encore promis.


C. BULOZ.